Moscou annonce le début du repli de ses troupes en
Géorgie.La
Russie a annoncé lundi avoir commencé à replier de Géorgie ses "troupes
de maintien de la paix" en direction de l’Ossétie du Sud, que la
Géorgie avait tenté de récupérer par la force, tout en avertissant que
toute nouvelle attaque entraînerait une "riposte écrasante"."Nous ne
permettrons jamais qu’on tue impunément nos citoyens. Si on essaie à
nouveau, la riposte sera écrasante", a prévenu le président russe
Dmitri Medvedev à Koursk, peu avant que son armée évoque un début de
repli, mis en doute lundi soir par le gouvernement géorgien.
Géorgie : Le bon, le
brut et le truand
Comme
pour l’Irak, on peut malheureusement apercevoir la main des Etats-Unis derrière
la guerre en Géorgie. Et là encore ce sont des considérations énergétiques qui
priment.
Conduite
sur un fond de musique pétrolière, la guerre en Géorgie a largement été facilitée
par la clique de George W. Bush et de Dick Cheney mais aussi de… John McCain.
Commençons par le candidat républicain à la présidentielle. Le chef des
affaires étrangères pour sa campagne s’appelle Randy Scheunemann. Dans le
passé, le bonhomme a été un lobbyiste grassement rémunéré qui a travaillé
pendant quatre ans pour le gouvernement de Géorgie. Le 17 avril dernier,
Scheunemann a briefé le candidat républicain en vue d’un entretien que celui-ci
devait avoir avec le Président Mikhaïl Saakashvili. Puis, selon le Washington Post du 13 août, Scheunemann a préparé
pour McCain un communiqué de presse clamant un soutien sans faille à la Géorgie, contre la Russie. Le même jour,
la société de lobbying Orion Strategies, dont Scheunemann est copropriétaire, a
signé un contrat de 200 000 dollars pour continuer de guider la stratégie du
gouvernement de Saakashvili à Washington, comme elle le fait depuis 2004. Et
visiblement, ça rapporte gros : en quatre ans, ce lobbyiste de choc et son
partenaire ont empoché 800 000 dollars de la Géorgie.
Scheunemann a aussi été le principal conseiller de
McCain pour les questions liées au Caucase pendant des années avant de
rejoindre son staff de campagne présidentielle. Et le moins que l’on
puisse dire est qu’il a déteint sur le candidat : au Sénat, McCain a
co-sponsorisé une résolution de soutien de la position de la Géorgie
sur l’Ossétie du Sud ainsi qu’une autre poussant à l’admission de la
Géorgie au sein de l’OTAN. Dans la même veine, McCain a également
co-sponsorisé le « NATO Freedom Consolidation Act » de 2006, un
troisième projet de loi qui a, lui, permis d’octroyer dix millions de
dollars aux Géorgiens.
Il va s’en dire que ces différents cadeaux découlent directement d’un
lobbying féroce mené par l’Orion Stratégies de Scheunemann. Et cela ne
date pas d’hier. Déjà, en 2005, Scheunemann, toujours bien payé par la
Géorgie, a accompagné McCain dans la capitale géorgienne, Tbilissi,
pour une rencontre avec Saakashvili. McCain avait alors lourdement
soutenu les déclarations guerrières du président géorgien envers son
voisin russe.
Chantre de l’invasion en Irak
Autre fait d’armes de Scheunemann : avant de briller
sur les questions géorgiennes, il était surtout connu pour être l’un
des néo-conservateurs ayant manigancé la guerre en Irak. Il était alors
l’un des directeurs du « Project for a New American Century » (Projet
pour un nouveau siècle américain), le fief des néoconservateurs. C’est
ce même "Projet" qui a donné naissance à un célèbre manifeste réclamant
le renversement de Saddam Hussein par Washington.
Après avoir travaillé sur la première campagne présidentielle de McCain
en 2000, Scheunemann s’est retrouvé à la tête du Comité pour la
libération de l’Irak, un lobby créé pour se faire le chantre de
l’invasion de l’Irak.
Depuis que
les chars russes ont pénétré en Géorgie le candidat McCain n’a eu de
cesse de se livrer à des déclarations belliqueuses dénonçant une
« Russie revancharde »
Avec du recul, il semble aujourd’hui que Scheunemann a
joué un rôle similaire dans le déclenchement de la guerre en Géorgie.
Il est
inconcevable que son ami et ancien patron Saakashvili, aussi impétueux
soit-il, ait ordonné l’invasion de l’Ossétie du Sud (il devait
forcément savoir que les Russes réagiraient en employant la manière
forte) sans avoir en tête la « certitude » que son pays serait soutenu
par Washington.
D’ailleurs, depuis que les chars russes ont pénétré en Géorgie le
candidat McCain n’a eu de cesse de se livrer à des déclarations
belliqueuses dénonçant une « Russie revancharde ». « Nous sommes tous des Géorgiens »
a-t-il même proclamé avec ferveur ! Dans la course à la Maison-Blanche,
l’intérêt politique pour McCain est évident : alors que Barack Obama
cherche à tâtons une position plus mesurée, le Républicain, en ancien
héros de guerre, peut jouer les « durs » et tenter, par comparaison, de
faire passer Obama pour un « faible ». De plus, en brandissant le
spectre d’une nouvelle Guerre Froide, McCain tente de faire oublier le
leg de George W. Bush qui s’étend du désastre en Irak à l’effondrement
de l’économie américaine. Et, il faut le reconnaître, avec un certain
succès : déjà deux des principaux instituts de sondages — Gallup et Pew
— montrent que pendant la guerre en Géorgie, Obama a perdu de la
vitesse. Seuls trois points le séparent désormais de son rival. Il est
à 46 % d’opinions favorables contre 43 % pour McCain.
Des considérations pétrolières
La politique du président Bush dans le Caucase a
contribué à faire gonfler la tête de Saakashvili au point que ce
dernier ait cru pouvoir envisager une guerre contre une Ossétie
sécessionniste en toute impunité. Mais, vu de Washington, cela n’est
qu’un dégât collatéral tant l’administration américaine prend soin de
masquer les vrais objectifs de sa stratégie : le pétrole et plus
exactement le gigantesque oléoduc Baku-Tbilissi-Ceyhan. D’une longueur
de 1 767 kilomètres, il est connu sous le nom de BTC et a été conçu par
Washington comme l’ultime méthode pour contourner la dépendance de
l’Occident envers le pétrole et le gaz russe ainsi et iranien.
Le vice-président Dick Cheney, depuis qu’il s’est
illustré comme Pdg du géant pétrolier Halliburton, a toujours battu le
tambour en faveur du
BTC. Soutenu par des investissements massifs réalisés par des
multinationales du pétrole (dont Royal Dutch Shell, Unocal, British
Petroleum), par Washington (qui a prêté 823 millions de dollars à la
Turquie pour sa partie du BTC) et par la Banque Mondiale (dont les deux
derniers présidents, Paul Wolfowitz et son chef actuel Robert Zoellick,
étaient tous deux membres de la cabale néoconservatrice du Project for
a New American Century), le BTC est en outre protégé par l’alliance
militaire anti-russe du GUUAM (pour Géorgie, Ouzbékistan, Ukraine,
Azerbaïdjan, Moldavie) bâtie par Washington. Rien que cela !
Israël est également de la partie car l’Etat hébreu
envisage de lier le BTC à l’oléoduc Trans-Israël Eilat-Ashkelon.
Objectif : faire d’Israël une force importante du marché global de
l’énergie en s’alliant avec les intérêts pétroliers anglo-américains.
Ce n’est pas une coïncidence si le terminus du BTC se trouve à côté de
l’importante base aérienne américaine d’Incirclik, en Turquie. Notons
enfin que l’artillerie russe est tout à fait capable d’atteindre
l’oléoduc BTC depuis l’Ossétie du Sud… Comme l’a dit si bien
l’économiste canadien Michel Chossudovsky dans son excellent livre
« America’s War on Terrorism » (La guerre contre le
terrorisme de l’Amérique), « la GUUAM est dominée par
les intérêts pétroliers anglo-américains, et son but ultime est
d’exclure la Russie des sources de pétrole et de gaz Caspienne, ainsi
que d’isoler Moscou politiquement. »
Militarisation active de la Géorgie
Selon le New York Times, « les
Etats-Unis ne se sont pas contentés d’encourager la jeune démocratie de
Géorgie, ils ont militarisé l’Etat géorgien… Au plus haut niveau, ils
ont aidé à réécrire la doctrine militaire géorgienne et ont entraîné
ses commandants et son Etat-major. La Géorgie a, entre-temps, rééquipé
ses forces militaires avec des armes en provenance des Etats-Unis et
d’Israël, mais aussi avec des drones de reconnaissance, de la
technologie de management des champs de bataille, des convois de
nouveaux véhicules et des stocks de munitions…
Le but public était de pousser la Géorgie vers les critères militaires
d’un membre de l’OTAN. »
En avril dernier, Bush a milité pour faire admettre ce
pays comme membre de l’organisation atlantique mais cette demande est
tombée à
l’eau suite à des pressions de Paris et de Berlin. Néanmoins, grâce aux
cadeaux du Pentagone, aux attentions de Bush, et aux encouragements des
va-t-en-guerre comme McCain et Scheuneman, Saakashvili qui, après tout,
est arrivé au pouvoir suprême en Géorgie en partie grâce au soutien
secret des Américains a donné, avec l’invasion de l’Ossétie du Sud, à
Vladimir Poutine l’excuse rêvée pour punir l’un des principaux alliés
de Washington dans le GUUAM et la région.
Selon le New York Times du 18 août, qui détaille les encouragements de Washington au chouchou Saakashvili,
« Condoleeza Rice a dit au président géorgien l’année dernière : “Nous nous battons toujours pour nos amis” ». Le quotidien cite également un “haut responsable” de l’administration Bush pour qui « il est possible que les Géorgiens aient confondu ces encouragements avec quelque chose d’autre. » C’est le moins que l’on puisse dire…
Raconter tout cela ne revient pas à excuser l’action de
la Russie mais personne n’a les mains propres dans cette histoire. Les
Russes, les Géorgiens et les Ossètes ont tous commis des massacres et
se sont conduit de façon abominable. Mais la guerre en Géorgie souligne
le dangereux échec de la géopolitique pratiquée par l’Amérique de Bush.
Exactement comme la guerre d’Irak, elle aussi inspirée par des
considérations pétrolières.
http://www.bakchich.info/article4747.html