Depuis les années 1970, les thèses niant la réalité des expéditions lunaires prospèrent. Internet leur donne une nouvelle visibilité.
Née dans les années 1970, la théorie du « canular lunaire » (moon hoax, en anglais) a été réactivée en 2001 après la diffusion par la chaîne Fox TV d’un documentaire d’inspiration conspirationniste. Depuis, de nombreux sites Web entretiennent, avec un certain succès, l’idée que le programme Apollo n’a été qu’une fiction montée de toutes pièces par les Etats-Unis, pour « gagner » la course à l’espace contre l’Union soviétique.
Les images de l’homme sur la Lune auraient été réalisées dans une base militaire secrète, installée dans le désert du Nevada, avec des effets spéciaux d’Hollywood, comme ceux du film 2001 : l’Odyssée de l’espace, de Stanley Kubrick – d’ailleurs soupçonné d’avoir collaboré avec la NASA. Une thèse qui figure parmi les nombreuses théories contestant les versions officielles d’événements majeurs, comme les attentats du 11 septembre.
Le moon hoax surgit en plein âge d’or des théories du complot ; dans les années 1970, avec le scandale du Watergate, on se défie volontiers du gouvernement américain. En 1974, deux ans après la fin du programme lunaire américain, Bill Kaysing publie Nous ne sommes jamais allés sur la Lune : l’escroquerie américaine à trente milliards de dollars. Il y relève de nombreuses « incohérences » sur les images de la NASA : l’absence d’étoiles dans le ciel, le drapeau américain qui flotte dans le vent, alors que la Lune n’a pas d’atmosphère, des engins spatiaux qui se posent sans former de cratères sur le sol… Une somme d’observations simples qui le conduisent à prétendre que ces images ont été tournées sur Terre.
Cette théorie a eu un certain retentissement. En 1999, une enquête de l’institut de sondages Gallup indiquait que 6 % des Américains pensaient que les missions Apollo avaient été truquées ; et que 5 % des personnes interrogées avouaient ne pas avoir de certitudes sur la question… Ce « scepticisme » a été remis en selle avec la diffusion d’un documentaire choc sur Fox TV, Conspiracy Theory : Did We Land on the Moon ? (« Théorie du complot : avons-nous marché sur la Lune ? »), de Craig Tipley. Celui-ci reprenait et mettait en images les arguments de M. Kaysing. Diffusé à deux reprises devant 15 millions de télé-spectateurs, il a accru la proportion de « sceptiques », passée de 6 % à 20 %, selon un sondage de la Fox.
LA NASA EN APPELLE AU BON SENS
Certains, comme William Karel, allument des contre-feux. En 2002, le documentariste français monte un « vrai-faux documentaire », Opération Lune, qui prend à contre-pied les spectateurs en feignant dans un premier temps d’épouser la thèse du complot avant de montrer à quel point la manipulation des faits par l’image est aisée… La même année, la NASA a répliqué en commandant un livre réfutant point par point les arguments des théoriciens du complot, avant d’y renoncer pour ne pas donner trop de crédit aux attaques, préférant se concentrer sur quelques points. Si les étoiles n’apparaissent pas sur les images du ciel lunaire, c’est qu’il est difficile de capter sur le même cliché des éléments très brillants et d’autres très faiblement lumineux ; quant au drapeau, il « flotte » tout simplement parce qu’il était pourvu d’une tige horizontale rigide…
La NASA en appelle au simple bon sens. Ce sont les échantillons de sol lunaire qui fournissent l’argument le plus fort. David McKay, directeur de recherches au Johnson Space Center de la NASA, rappelle que ces roches ont été analysées par des scientifiques du monde entier, et pas seulement de la NASA. « Les échantillons lunaires sont absolument uniques, très différents des roches terrestres, explique-t-il. En effet, ils sont criblés de petits cratères causés par des impacts de météorites. Cela ne peut arriver qu’à des pierres provenant d’une planète avec peu ou pas d’atmosphère, comme la Lune. » Voilà qui complique un peu les choses pour les tenants de la théorie du complot. Pour que celle-ci tienne, il faudrait aussi que des milliers de géomorphologues et de géochimistes aient été intégrés à la conspiration, aux côtés des milliers de scientifiques et d’ingénieurs du programme Apollo… L’hypothèse de la mise en scène est en réalité si invraisemblable que même l’Union soviétique ne l’a jamais avancée.
Dernier avatar du conspirationnisme : les « légendes urbaines ». Il circule que Neil Armstrong aurait marmonné ces mots en retournant dans le module lunaire : « Bonne chance, M. Gorsky ! » Qui était ce mystérieux M. Gorsky ? Plusieurs explications sont proposées sur la Toile, quand bien même Neil Armstrong n’a jamais prononcé ces mots…
Stéphane Foucart et Diane Robin
http://www.lemonde.fr/planete/article/2009/07/20/ils-n-ont-jamais-marche-sur-la-lune_1219430_3244.html