Raid US En Syrie Pour Effrayer l’Iran
Le raid américain Dimanche 26 octobre 2008 en
territoire syrien qui a tué 8 personnes, tous des civils,qualifié par
l’armée US de "succés", pourrait être une répétition pour de futurs
raids menés en territoire iranien contre les Gardiens de la Révolution
accusés d’être des "terroristes" par Washington.
Funérailles des
victimes de l’attaque US , village syrien de Sukaria, région de Bou Kamal
27/10/08
Téhéran se sent de plus en plus menacé par l’accord de sécurité US-Irak
autorisant l’implantation de 50 bases militaires US sur tout le
territoire de l’Irak, dont plusieurs dans des zones proches de la
frontière Iran Irak. "L’accord
sur le Statut des forces autorise la construction de vastes bases US
non seulement près de l’Iran mais également de la Syrie et par
conséquent suscistent à la fois à Téhéran et à Damas de sérieuses
inquiétudes" a dit un professeur de science politique de renom de l’Université de Téhéran.
Compte tenu de l’incursion Dimanche de forces US à l’intérieur du
territoire syrien, soit disant pour poursuivre des "terroristes " d’Al
Qaeda, de nombreux analystes à Téhéran s’inquiétent soudain,
considérant que l’accord de sécurité entre Bagdad et Washington n’est
pas simplement un problème interne dont doivent décider les irakiens,
mais plutôt un problème régional qui nécessite une implication directe
des voisins de l’Irak.
pénétré en territoire syrien le long de la frontière avec l’Irak, tuant
8 personnes (tous des civils ndlt). Le raid visait selon certaines
sources un réseau de combattants liés à Al Qaeda utilisant la Syrie
pour atteindre l’Irak. Le raid survient alors que Washington et Bagdad
négocient un accord bilatéral determinant les conditions de la
poursuite de l’occupation et des combats en Irak par les troupes US et
de la coalition. l’actuel mandat de l’ONU pour les forces
multinationales expire en décembre 2008.
" La communauté internationale a
demandé aux voisins de l’Irak de participer à la reconstruction de
l’Irak et par conséquent ils devraient être par définition également
impliqués dans les problèmes de sécurité" a dit un autre analyste de Téhéran à l’auteur de l’article.
Tout cela n’est pas une demande irraisonnable. L’Iran et les US ont
participé, rappelons le, à trois réunions pour discuter de la sécurité
de l’Irak, et, selon les analystes de Téhéran,la décision de Washington
d’ignorer les positions de l’Iran sur l’accord de sécurité est une
erreur flagrante.
Simultanément, on a le sentiment que
tout n’est pas perdu et que les architectes de cet accord ont
effectivement pris en considération certaines des objections vocales
émises par l’Iran, telle l’extraterritorialité concernant la
responsabilité des personnels US en Irak qui les immunisait de toute
poursuite sous la loi irakienne. Ce point a été modifié, et l’accord
établit également un calendrier pour le retrait des forces US pas plus
tard que le 31 décembre 2011, ce qu’approuve également l’Iran.
Cependant,par réalisme, personne à
Téhéran ne mise sur le retrait effectif des "forces interventionnistes"
US ni à la date butoir de 2011 fixée ni à une date ultérieure
rapprochée. La plupart des analystes de Téhéran paraissent plutôt se
résigner pour un modèle type Corée du Sud, prévoyant "un long séjour, peut être s’étalant sur des décennies" pour paraphraser le professeur de Téhéran.
Néanmoins, quelque soit les prévisions des Iraniens sur les actions
futures de l’armée américaine, pour l’instant le consensus qui émerge
c’est que la sécurité de l’Iran est potentiellement menacée par le
pacte de sécurité qui en fait autorise les forces US à adopter une
position de dissuasion vis à vis de l’Iran.
De même, personne à Téhéran n’est
convaincu que la Présidence du Sénateur Démocrate, Barak Obama, va
introduire un changement majeur de politique US à l’égard de l’Irak,
quelque soient les promesses électorales faites par Obama sur le
retrait des troupes US. Qu’il s’agisse de cynisme raisonné ou pas, la
perception largement répandue d’une armée US intraséquement
interventionniste est la cause principale des inquiétudes iraniennes
concernant le pacte de sécurité, qui jusqu’à présent s’articule
presqu’entièrement sur les termes d’un accord qui viole la souveraineté
de l’Irak et qui a des effets négatifs sur la propre sécurité du pays.
Cependant, dés que les premières
fuites sur cet accord ont été répandues l’année dernière auprès du
public, les responsables irakiens ont insisté sur le fait que l’accord
est inoffensif vis à vis de leurs voisins et, lors de plusieurs visites
faites à Téhéran, le ministre des affaires étrangères irakien et le
conseiller à la sécurité ont tous deux insisté sur le fait que les US
seraient empêchés d’utiliser leurs bases pour attaquer l’Iran.
Mais, de telles assurances, mises en
doute auparavant à cause des faiblesses structurelles du gouvernement
irakien, sonnent fausses depuis le raid US à l’intérieur de la Syrie,
qui pourrait facilement se reproduire en Iran sur la base d’excuses
identiques. Ou même pire, des raids pour pourchasser de supposés
complices iraniens des insurgés qui plantent des bombes en bordure de
route en Irak.
Le petit raid US en Syrie a déjà eu
effectivement un impact disproportionné en Iran, en accroissant le
niveau d’inquiétude pour la sécurité nationale déjà élevé dans le
contexte post 11 septembre (1). Résultat, Téhéran va augmenter son
escalade rhétorique contre l’accord de sécurité, en réaction à l’action
calculée des US sur le territoire de la Syrie, un proche allié de
l’Iran.
En conséquence, cela voudra dire plus
de friction entre Téhéran et Washington à un moment crutial alors qu’il
y a un changement imminent à la Maison Blanche, et qu’un Président
moins agressif, Obama, va semble-t-il remplacer le Président G.W Bush
considéré comme belliciste au Moyen Orient.
"Il
semble que l’incursion US en Syrie soit une répétition d’une action
future contre l’Iran et le Corps des Gardiens de la Révolution, tout
comme ils expliquent souvent l’attaque d’Israël contre la Syrie l’année
dernière comme prélude à une attaque contre les installations
nucléaires de l’Iran" a dit l’expert en sciences politiques de
Téhéran, ajoutant que les US avaient déjà classés les Gardiens de la
Révolution comme "terroristes", et donc disposent d’une justification
pour agir ainsi.
Au cas ou les US utiliseraient une
telle tactique, la question c’est de savoir si ce serait une incursion
unique ou toute une série de raids, et plus important, qu’est qui se
passera si l’Iran réplique et répond de façon conséquente à l’intérieur
du territoire irakien.
Il existe plusieurs scénarios risqués
prévoyant une importante escalade incluse dans chaque microaction, et
les dirigeants politiques US se montreraient négligents s’ils ne se
concentraient que sur leurs propres actions sans prendre en
considération la chaine de réactions probables qui pourrait embraser
toute la région.
Le moment choisi par les US pour ce
raid, coincidant avec les débats animés au sein du cabinet irakien sur
l’accord de sécurité, est aussi important car cela pourrait signaler de
la part des US une nouvelle détermination plus agressive pour faire
passer en force cet accord et mettre de côté les gentillesses
diplomatiques.
Les US pourraient éventuellement, par
ce raid -une démonstration de force -compter sur un appui pour cet
accord de sécurité au niveau national en Irak. Cela a peu de chance de
réussir cependant compte tenu de la vaste manifestation populaire
contre cet accord qui a eu lieu récemment à Bagdad. Les conséquences
non prévues de ce raid US en Syrie pourraient être plus de soutien
contre cet accord, jouant non seulement en faveur des iraniens, mais
aussi des forces Shi’ites du dirigeant irakien, Muqtada al-Sadr, et
d’autres dirigeants qui se sont catégoriquement opposés à cet accord de
sécurité anti Irak.
Ce raid US, marque d’une trop grande
confiance en soi, pourrait aussi vouloir dire que le Pentagone
considère déjà cet accord comme un fait accompli, quelques changements
cosmétiques ajoutés pourraient être autorisés avant qu’il ne soit
adopté complètement. S’il en est ainsi, ce serait une erreur coûteuse,
car dans l’actuel Irak volatil, rien n’est définitif et des actions
aussi provocatrices pourraient en fait venir en soutien à l’opposition
à cet accord. Donc il est possible de conclure que l’armée US peut
discrètement saboter l’accord à cause des révisions importantes
apportées par les dirigeants irakiens, portant sur le retrait des
troupes, l’immunité juridique, et contrôle des prisons et autres
points.
Tandis qu’une telle spéculation sur le
but réel et le moment choisi par les US pour mener ce raid en Syrie bat
son plein, d’un autre côté, la menace que représente cet accord est
nettement perçue à la fois à Téhéran et à Damas pour ce qui est de la
défense des interêts de sécurité nationale des deux pays.
Cela va probablement renforcer les
liens entre Damas et Téhéran, contrairement aux efforts récents de
Washington et de Tel Aviv pour séparer les deux. En même temps, des
attaques de faible intensité à l’intérieur de la Syrie pourraient être
suivies d’actions plus conséquentes, menaçant la puissance de l’armée
syrienne, ou, au minimum, des actions menées pour intimider la Syrie
(réputée vulnérable).
Ce pourrait être un mauvais calcul de
plus. La Syrie ne peut pas être aussi facilement intimidée et le
résultat le plus probable de telles actions par l’armée US sera de
consolider l’alliance régionale de forces qui s’opposent à la présence
militaire US.
Note
(1) pour plus d’information consulter le livre de Maleki et Afrasiabi "
Reading in Iran’s Froreing Policy Afeter September 11"
Kaveh L.Afrasuabi 28/10/08 www.atimes.com
Introduction, Traduction Mireille Delamarre pour www.planetenonviolence.org
Kaveh
L. Afrasuabi est l’auteur de "After Khomeini: New Directions in Iran’s
Foreign Policy (Westview Press) " and co-auteur de "Negotiating Iran’s
Nuclear Populism", Brown Journal of World Affairs, Volume XII, Issue 2,
été 2005, avec Mustafa Kibaroglu. Il a également écrit "Keeping Iran’s
nuclear potential latent", Harvard International Review, et est
l’auteur de "Iran’s Nuclear Program: Debating Facts Versus Fiction.".