ISRAËL, 28E ETAT DE L’UNION EUROPÉENNE : Un nouveau Munich ?
«Ghaza est sur le point de devenir le premier
territoire à être délibérément réduit à un état de misère sordide, à la
connaissance, avec l’acquiescement et -certains diraient-
l’encouragement de la communauté internationale».
Karen Koenig, directrice de l’Unrwa, l’Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens
Un coup de tonnerre dans un ciel serein ! C’est ainsi que l’on pourrait
qualifier l’adhésion formelle d’Israël à l’Union européenne.
Connaissant le lobbying israélien, connaissant la force de ses
intellectuels dispersés (diaspora) à travers le monde et principalement
l’Europe et les Etats-Unis, nous n’avons pas à nous étonner de cette
décision d’Européens qui reconnaissent Israël comme l’un des leurs pour
ne pas dire de leur famille judéo-chrétienne malgré des laïcités de
façade. «Là bas – en Palestine (ndlr)- nous établirons un mur contre la
barbarie» promettait Theodore Herzl aux Européens pour l’établissement
d’un foyer juif devenu par la suite un Etat théocratique sans que cela
n’effarouche ceux qui se piquent de laïcité. Il n’est pas étonnant dans
ces conditions d’entendre Tzipi Livni parler de «déporter» les Arabes
israéliens dans le futur Etat palestinien qui doit aussi recevoir les
Palestiniens de la Diaspora.
l’ombre : La deuxième raison écrit-il, tient à «l´obsession de la
spécificité d´Israël». Une de plus ! La participation d´Israël à cette
Union ne doit pas cacher la singularité des relations d´Israël avec
l´Union européenne. En un mot comme en mille, Israël demande à être
considéré comme un Etat Européen délocalisé. (..) Il apparaît que des
négociations secrètes sont en cours depuis un an entre l´Union
européenne et les dirigeants de l´Etat d´Israël. J´ajoute que l´on
apprend que la demande israélienne en question date…du 5 mars de
l´année dernière, qu´un «groupe de réflexion» s´est réuni sur le sujet
le…4 juin 2007. Et tout cela sans que la moindre information n´en ait
été donnée à la représentation parlementaire de l´Union !(1)
De même, Jean-Paul Le Marec dénonçait
le sort qui était fait aux Palestiniens ainsi que le statut que l’Union
européenne comptait conférer à Israël. Ecoutons le : «Un nouveau pas
serait en train d’être franchi, en secret, par Israël concernant son
statut au sein de l’UE. Jean-Paul Le Marec, qui rappelle qu’en janvier
dernier, le gouvernement français a signé avec Israël un accord de
reconnaissance mutuelle qui permettra aux sociétés israéliennes
d’intégrer la Bourse française sans avoir été soumises aux
vérifications de régulateurs, explique les enjeux sur le site de Rouge
Midi. Plus de six ans après, la situation s’est considérablement
aggravée dans la région ; les Palestiniens subissent le blocus, une
répression de plus en plus violente, des atteintes permanentes aux
libertés fondamentales de se déplacer, d’étudier, de se soigner, sans
oublier la construction du "mur de la honte" et la poursuite de la
colonisation.» (…) De retour de Ghaza, le prix Nobel de la paix
sud-africain, Mgr Desmond Tutu, qui conduisait une mission du Conseil
des Nations unies pour les droits de l’homme, a décrit «une situation
abominable à Ghaza». Il a déploré «le silence et la complicité de la
communauté internationale» face à cette situation. L’avocate et
universitaire britannique, Christine Chinkin, qui faisait partie de
cette mission, a estimé qu’Israël pourrait être tenu responsable d’un
«crime de guerre» pour ce drame et «peut-être d’un crime contre
l’humanité». (…) Au lieu de jouer un rôle positif pour essayer de
débloquer le processus de paix, au lieu de condamner et de sanctionner
l’Etat israélien qui poursuit sa politique de colonisation et de
répression et refuse de respecter ses obligations à l’égard du droit
international, la Commission européenne le récompense et renforce sa
coopération. La Commission célèbre à sa façon le 60e anniversaire de
l’occupation de la Palestine par Israël qui a entraîné l’exil de plus
de 800.000 Palestiniens (Naqba) !
Ce qui devait arriver arriva ! Alain
Gresh parle d’une capitulation de l’Europe. Une sorte de nouveau
Munich. Ecoutons-le : «Les ministres des Affaires étrangères de l’Union
européenne ont adopté, les 8 et 9 décembre 2008, un texte intitulé
"Council Conclusions Strengthening of the EU bilateral relations with
its Mediterranean partners – upgrade with Israel". Sous l’impulsion de
la présidence française, le principe de rehausser les relations entre
Israël et l’Union européenne a été accepté. Déjà, avant la tenue du
sommet méditerranéen, Paris avait essayé de faire adopter cette mesure,
mais avait dû reculer devant la levée de boucliers de certains régimes
arabes, notamment l’Egypte. Ce texte a été adopté après de nombreuses
discussions. La première version présentée par la France faisait la
part belle à Israël et a suscité des réserves chez certains des
partenaires – notamment le Royaume-Uni et la Belgique – qui ont demandé
un "rééquilibrage" du texte. Un comble, quand on pense qu’il y a
quelques années encore, la France était accusée d’être pro-arabe».(3)
«Notons aussi que ce texte a été
entériné le jour même où l’expert de l’ONU sur les droits humains dans
les territoires palestiniens, Richard Falk, demandait la mise en oeuvre
de la norme reconnue de la ´´responsabilité de protéger´´ une
population civile punie collectivement par des politiques qui
s’assimilent à un crime contre l’humanité». Dans le même sens,
ajoutait-il, «il semble que c’est le mandat de la Cour pénale
internationale d’enquêter sur la situation, et de déterminer si les
dirigeants politiques israéliens et les chefs militaires responsables
du siège de Ghaza doivent être inculpés et poursuivis pour violations
du droit pénal international». «Une longue annexe comprend les lignes
directrices pour renforcer les structures du dialogue politique avec
Israël. D’abord, la tenue régulière de réunions des chefs d’Etat et de
gouvernement de l’Union européenne et d’Israël, un privilège qui
n’était accordé jusque-là qu’à quelques grands Etats, Chine, Russie,
Inde, etc. L’invitation régulière de responsables du ministère des
Affaires étrangères israélien aux comité pour la politique et la
sécurité de l’Union. Inviter aussi plus systématiquement des experts
israéliens dans les comités travaillant notamment sur le processus de
paix, les droits humains, la lutte contre le terrorisme et le crime
organisé, etc.
Des experts israéliens pourront ainsi
participer à des missions extérieures de l’Union, que ce soit en
Afrique ou ailleurs». Ces décisions de l’Union européenne ont été
vivement critiquées par l’Autorité palestinienne et par l’Egypte. Dans
un article de Haaretz du 9 décembre, «EU votes to upgrade Israel
relations despite Arab lobbying», Barak Ravid rapporte que la semaine
précédente, «la ministre des Affaires étrangères israélienne Tzipi
Livni s’est rendue à Bruxelles pour faire son propre lobbying auprès
des ministres des Affaires étrangères, et en premier lieu de Bernard
Kouchner. A un moment de la rencontre, elle a demandé à le voir en tête
à tête et à ce que les autres sortent de la salle. Durant cette
conversation, les deux sont tombés d’accord sur le fait qu’il n’y
aurait pas de ´´lien´´ (linkage) (entre le rehaussement des relations
UE-Israël et les négociations de paix), mais que l’Union européenne
publierait une déclaration séparée appelant à la poursuite de
conversations de paix sur le statut final».
Ces Arabes qui protestent, on sait et
les Européens savent qu’ils ne pèsent pas lourd. Quand on apprend
l’appréciation de Nicolas Sarkozy s’adressant à Topolanek au futur
président de l’Union Européenne à propos des Arabes : «(..) Merci, je
suis heureux que nous parlions franchement et clairement. La présidence
pour l’Union de la Méditerranée n’est pas un cadeau. (…) Tu n’as pas
idée de ce que c’est que de traiter avec le Liban, l’Egypte et
l’Algérie. Des centaines d’heures. C’est affreux.(…) J’ai porté
l’Union pour la Méditerranée. L’Egypte devrait présider deux ans et le
Nord devrait avoir deux présidences différentes : l’UE et l’Union pour
la Méditerranée. (..) J’ai déjà acquis pas mal de choses. Mais au moins
ils sont moins nombreux là-bas. Mais au Sud? Le président Algérien
Bouteflika, le Tunisien, le roi du Maroc, la Libye, Israël. Un travail
fou !»(4)
Comment comprendre les protestations
de l’Egypte quand elle vend son gaz à un prix 9 fois moins cher que
celui du marché à Israël, alors que dans le même temps Ghaza est privé
de carburant, d’électricité et que les hôpitaux sont devenus des
mouroirs? Le très tolérant roitelet d’Arabie Saoudite paye des
centaines de millions de dollars US à une compagnie qui participe au
tracé du tramway de Jérusalem, au mépris du droit international.
Dans le même temps, le Conseil des
droits de l’homme de l’Onu (CDH) a exhorté Israël mardi 9 décembre à
prendre une centaine de mesures allant de la levée de son blocus de
Ghaza à la libération de prisonniers arabes. Le CDH, qui regroupe 47
Etats, a adopté une liste de 99 recommandations par consensus après
deux jours de discussions consacrées à Israël sous l’angle des droits
de l’homme. Dans le cadre d’un examen périodique, la situation sur ce
plan des Etats membres de l’Onu fait l’objet d’un bilan tous les quatre
ans. Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a adopté mardi 9
décembre, un rapport qui accuse Israël d’infliger «des tortures
physiques et mentales à des prisonniers arabes». «Selon Richard Falk,
un effort urgent devrait être mis en oeuvre par les Nations unies pour
appliquer la norme de la ’responsabilité de protéger’ une population
civile soumise à une punition collective équivalent à un crime contre
l’humanité. Le Rapporteur spécial a estimé que la CPI devrait enquêter
sur cette situation afin de déterminer si les dirigeants civils et
militaires israéliens, responsables du siège de Ghaza, ne devraient pas
être inculpés et poursuivis pour violation du droit pénal
international.» Dans le même temps aussi, les Etats-Unis dotent l´Etat
israélien d´un système de détection de missiles de la dernière
génération, ces installations seront placées dans le désert du Néguev
et surveilleront, en fait, toute la région. L’allégeance du candidat
Obama proclamant Jérusalem capitale d’Israël inquiète plus que
l’alignement viscéral de Hilary Clinton sur la politique israélienne.
Pourtant même en Israël la politique
israélienne vis-à-vis des Palestiniens ne fait pas l’unanimité. En
1969, le diplomate légendaire d’Israël, Abba Eban, prévenait qu’un
retrait des territoires occupés par son pays en juin 1967 serait un
retour aux «frontières d’Auschwitz». Ce que voulait dire Eban en
comparant Israël à ce camp de la mort nazi, le plus connu et le plus
emblématique, est clair, il disait que les Arabes en général, et les
Palestiniens en particulier, étaient des nazis, tout autant capables et
désireux d’exterminer les Juifs qu’Hitler. A Hébron, pourtant, ce sont
bien les colons israéliens, protégés par l’armée israélienne, qui
peignent souvent sur les maisons palestiniennes des menaces telles que
«Les Arabes dans les chambres à gaz».
"Le défunt ministre de la Justice,
Tommy Lapid, du gouvernement d’Ariel Sharon, écrit Ali Abunimah,avait
provoqué un tollé en 2004 en déclarant que l’image d’une vieille femme
palestinienne de Ghaza, «à quatre pattes, en train de chercher ses
médicaments dans les ruines de sa maison» démolie par l’armée
israélienne lui avait rappelé sa propre grand-mère qui avait péri à
Auschwitz. Lapid comparait le marquage de numéros sur les armes de
l’armée israélienne et sur les fronts des prisonniers palestiniens à la
pratique nazie de tatouer les détenus dans les camps de concentration.
«En tant que réfugié de l’Holocauste, je trouve de tels actes
insupportables» a-t-il déclaré en 2002. (..) Seulement, ce raisonnement
reste valable à partir du moment où l’Etat tiers ne dispose pas d’un
pouvoir d’influence trop important au sein de l’UE (Cela a déjà été le
cas au niveau de la politique énergétique de l’UE. (..) L’ambassadeur
du Nicaragua, Miguel d’Escoto Brockmann, a récemment comparé le siège
israélien de Ghaza à «un apartheid d’une époque révolue». (..) D’Escoto
Brockmann a rappelé que les sanctions avaient aidé à mettre fin à
l’apartheid en Afrique du Sud, ajoutant : «Aujourd’hui, peut-être que
nous, aux Nations unies, devrions envisager de suivre l’attitude d’une
nouvelle génération de la société civile qui appelle à une campagne
non-violente similaire.» Cette campagne de boycott, de
désinvestissements et de sanctions est déjà en cours et remporte de
nouvelles victoires chaque semaine. Elle se renforcera, inversement
proportionnellement à la complicité des gouvernements du monde, quelles
que soient les justifications qu’Israël pourra avancer pour ses crimes
toujours croissants.(5)
En définitive, la question est de
savoir comment Israël parvient à avoir une telle capacité d’influence
au sein de l’Union européenne? Comment arrive-t-elle à convaincre le
Conseil de l’Union européenne alors qu’elle ne parvient pas à
convaincre le Parlement européen? En d’autres termes, comment
arrive-t-elle à établir une confiance plus profonde avec les exécutifs
qu’avec les parlementaires européens (émanation plus directe de la
volonté populaire européenne)? Peut-être que l’imaginaire européen est
tétanisé à vie par le complexe de l’holocauste dont parle Aba Eban.
Le silence assourdissant des médias
européens concernant la non-ingérence humanitaire à Ghaza- notamment de
Bernard Kouchner si prompt à prendre son sac de riz en d’autres temps
et autres lieux est à corréler avec un autre silence et pour cause
cette information capitale d’admission par effraction d’Israël au sein
de l’Union européenne. Pendant ce temps, on offre une Union pour la
Méditerranée au rabais en demandant aux pays du Sud de s’étriper pour
avoir les miettes : coprésidence, secrétariat, projets sans
lendemain…Pour une fois El Gueddafi a vu juste en disant que nous ne
sommes pas des chiens à qui on peut jeter «des os» du
secrétariat…C’est en fait le 28e Etat de l’Union européenne à 6000km
beaucoup mieux considéré que la Turquie voisine mais indésirable.
1.F.Wurtz : Lettre à MM.Sarkozy, Barroso et Solana, Négociations secrètes UE/Israël. 13/06/08
2.Jean-Paul Le Marec : Israël en passe d’obtenir un «statut spécial»
Publié le 13-06-2008 http://www.europalestine.com/spip.php? article3257
3.Alain Gresh : L’Union européenne capitule devant Israël : le Monde Diplomatique 10 décembre 2008,
4.Sarkozy, les Tchèques, Merkel et les Arabes : le document intégral Rue89 : 07/12/2008
5.Ali Abunimah. Les frontières d’Auschwitz d’Israël revisitées The Electronic Intifada 11/12/2008.
Prof. Chems Eddine Chitour
Ecole Polytechnqiue Alger
De : Professeur Chems Eddine Chitour
vendredi 19 décembre 2008