Lettre ouverte aux auteurs de la stratégie de l’action culturelle islamique à l’extérieur du monde musulman
Mesdames et Messieurs,
En tant que musulman d’Europe, héritier d’une lignée prestigieuse de Oumalas reconnus à travers le monde et descendant de prophètes et de messagers honorés, c’est avec une profonde indignation que je m’adresse à vous. Vous avez cru bon de concevoir une « Stratégie de l’action culturelle islamique à l’extérieur du Monde musulman » qui, sous prétexte de promouvoir notre foi et nos valeurs, semble davantage être un outil d’ingérence déguisée visant à affaiblir notre indépendance et à nous asservir à des intérêts étrangers.
Votre document, en apparence structuré et rigoureux, trahit en réalité une ignorance patente de la situation des musulmans d’Europe et une volonté évidente de manipulation. En tant que communauté, nous avons forgé notre place au sein des sociétés européennes avec dignité et intégrité. Nous n’avons jamais eu besoin d’organes exécutifs centralisés dirigés par des puissances extérieures pour garantir notre foi, notre culture ou notre éducation. Vous semblez ignorer le fait fondamental que l’Islam en Europe est divers, autonome et enraciné dans la réalité des citoyens qui la composent. Il ne saurait être soumis à des diktats venus d’ailleurs, sous peine de perdre toute sa crédibilité et son authenticité.
Des incohérences flagrantes et des intentions douteuses
Votre proposition repose sur une série de conseils et de fonds locaux censés coordonner l’action culturelle islamique en Europe. Cependant, derrière cette façade administrative se cachent des mécanismes de contrôle qui visent à orienter, voire à dicter, la manière dont nous devrions vivre notre islamité en Europe. En tant que musulmans européens, nous rejetons fermement cette tentative d’implantation d’une structure hiérarchique centralisée dont l’objectif semble être de maintenir une emprise idéologique sur nos communautés.
Votre projet de créer des « Conseils locaux pour la culture et l’éducation » sous la houlette d’un « Conseil supérieur de l’Éducation, des Sciences et de la Culture à l’extérieur du Monde islamique » est révélateur de cette ambition d’assujettissement. Comment pouvez-vous justifier une telle intrusion dans nos affaires internes, alors même que nous sommes parfaitement capables de nous organiser et de gérer nos propres institutions éducatives et culturelles ?
L’introduction de mécanismes de financement étrangers est tout aussi inquiétante. En proposant la création de « fonds locaux de financement de l’action culturelle islamique », vous ouvrez la porte à une dépendance financière qui menace l’indépendance des institutions musulmanes d’Europe. En tant que musulmans européens, nous ne pouvons accepter que nos centres culturels, nos mosquées, nos écoles et nos associations soient financés par des fonds venus de l’extérieur, en particulier de gouvernements étrangers qui, par ailleurs, ont leurs propres agendas politiques et stratégiques.
La question du financement est cruciale, car elle soulève des doutes légitimes quant à vos véritables motivations. Pourquoi un tel intérêt soudain pour les musulmans d’Europe ? Pourquoi un tel empressement à créer des structures financées par des gouvernements et des institutions islamiques étrangères ? Nous sommes en droit de nous interroger sur les objectifs réels de cette stratégie et sur les dangers qu’elle fait peser sur notre indépendance. Il n’est pas difficile de deviner que derrière cette générosité apparente se cache la volonté de contrôler notre discours religieux, nos pratiques culturelles, voire de peser sur nos engagements politiques.
L’illusion d’un soutien désintéressé
Vous prétendez vouloir soutenir les musulmans d’Europe dans leur éducation, leur développement culturel et social, et même leur insertion dans les sociétés occidentales. Pourtant, il est manifeste que cette prétendue aide ne vise pas à renforcer notre autonomie, mais plutôt à nous rendre dépendants d’un système de gouvernance externe, centralisé, et soumis à des intérêts extérieurs, notamment ceux de certaines puissances du Golfe. La mise en place d’une telle structure pyramidale, avec des conseils nationaux soumis à des fonds régionaux et à un Conseil supérieur, s’apparente davantage à une stratégie de domination qu’à un véritable soutien.
Si vous étiez véritablement soucieux du bien-être des musulmans d’Europe, vous sauriez que la diversité de nos expériences et de nos contextes locaux exige des solutions décentralisées, adaptées à chaque réalité nationale. L’idée d’un modèle unique, imposé depuis l’étranger, est non seulement irréaliste, mais elle est également insultante pour les communautés musulmanes d’Europe, qui ont su, depuis des décennies, bâtir leurs propres structures et réseaux sans avoir recours à une telle tutelle.
Il est par ailleurs ironique que vous citiez, à la fin de votre document, le verset du Coran « En vérité, Allah ne modifie point l’état d’un peuple tant qu’ils n’aient pas modifié ce qui est en eux-mêmes » (Sourate 13:11), tout en proposant des mécanismes qui nous privent de cette capacité de changement autonome. Si vous croyez réellement en la sagesse de ce verset, alors vous comprendrez que c’est à nous, musulmans d’Europe, de décider de notre propre destin, sans avoir à recevoir des directives venues d’ailleurs.
Une vision centralisatrice inadaptée à nos réalités
Votre stratégie fait également abstraction des spécificités locales des musulmans d’Europe. Chaque pays, chaque communauté a ses propres réalités sociales, politiques et culturelles. Réduire cette diversité à un plan uniforme, imposé depuis des centres de décision extérieurs, démontre une méconnaissance profonde des besoins et des aspirations de nos communautés. Vous semblez croire qu’un Conseil supérieur, basé hors d’Europe, puisse élaborer des plans adaptés à chaque pays, mais cette vision est fondamentalement erronée. Nos institutions et nos organisations locales, qu’il s’agisse de mosquées, de centres culturels ou d’associations, sont bien plus à même de comprendre et de répondre aux défis que nous rencontrons dans nos sociétés respectives.
La centralisation que vous prônez ne répond ni à nos besoins, ni à nos attentes. En tant que musulmans européens, nous avons toujours su nous adapter aux réalités des sociétés dans lesquelles nous vivons, et c’est cette capacité d’adaptation qui nous a permis de rester fidèles à notre foi tout en étant des citoyens à part entière de nos pays respectifs.
Un appel à la conscience et à la responsabilité
En conclusion, je vous demande de renoncer à cette stratégie qui ne sert ni l’islam, ni les musulmans d’Europe. Si vous souhaitez véritablement soutenir notre communauté, commencez par respecter notre autonomie, notre dignité, et notre capacité à nous organiser sans ingérence extérieure. Nous n’avons pas besoin de conseils centralisés ou de fonds étrangers pour affirmer notre foi et notre culture. Ce dont nous avons besoin, c’est de respect, de dialogue, et d’une reconnaissance de notre capacité à nous autodéterminer.
Les musulmans d’Europe ne sont pas des pions sur un échiquier géopolitique. Nous sommes des citoyens conscients, des croyants engagés, et des acteurs actifs de nos sociétés. Toute tentative de manipulation ou d’instrumentalisation de notre foi sera dénoncée et fermement rejetée. La religion musulmane, riche en diversité et en profondeur, ne peut être réduite à un simple outil de contrôle ou d’influence géopolitique. La foi des musulmans d’Europe s’est développée au fil des années dans un cadre de respect mutuel et d’intégration respectueuse, et elle doit rester libre de toute influence externe qui cherche à en altérer les valeurs fondamentales.
Les incohérences et les aspects douteux de votre stratégie sont multiples et méritent une attention critique :
- Centralisation des Structures : La création de conseils locaux, fonds de financement et un Conseil Supérieur de l’Éducation, des Sciences et de la Culture sous l’égide du Qatar et d’autres organisations similaires est profondément problématique. Cette centralisation risque non seulement de restreindre notre autonomie, mais aussi de standardiser les pratiques culturelles et éducatives au détriment de la diversité et des besoins locaux spécifiques des communautés musulmanes européennes.
- Financement et Influence : La dépendance à des fonds provenant de sources extérieures, notamment le Qatar, pose un grave problème d’intégrité et d’indépendance. Le financement par des acteurs étrangers, en particulier des États ayant leurs propres agendas géopolitiques, constitue une source de conflit d’intérêts et peut compromettre l’authenticité et la sincérité de l’action culturelle islamique. Il est impératif que les fonds pour les activités islamiques soient générés de manière indépendante et en accord avec les besoins et les aspirations des communautés locales.
- Manque de Considération pour les Contextes Locaux : Votre stratégie semble ignorer les spécificités culturelles et sociales des pays européens. Une approche qui ne prend pas en compte les particularités locales, les dynamiques sociales et les réalités politiques des pays hôtes est vouée à l’échec. Une stratégie efficace doit être fondée sur une compréhension approfondie des contextes locaux et sur une collaboration étroite avec les acteurs locaux.
- Surveillance et Contrôle : La mise en place d’un observatoire pour le suivi et le développement, dirigé par des entités liées au Qatar, soulève des questions préoccupantes sur le degré de contrôle et de surveillance que vous envisagez. Cette approche risque d’instaurer un climat de méfiance et de division au sein des communautés musulmanes, en sapant leur confiance dans les institutions locales et en favorisant une gestion centralisée contraire à l’esprit de collaboration et d’autonomie que nous chérissons.
- Absence de Consultation des Communautés : Une autre incohérence majeure est le manque apparent de consultation avec les communautés musulmanes européennes elles-mêmes. La véritable compréhension des besoins et des aspirations des musulmans d’Europe ne peut être obtenue que par un dialogue direct avec les membres de ces communautés, et non par l’imposition de directives élaborées sans leur avis.
En conclusion, je vous exhorte à reconsidérer cette stratégie et à adopter une approche qui respecte l’autonomie des communautés musulmanes d’Europe tout en cherchant à collaborer de manière transparente et respectueuse. Notre foi et notre culture méritent mieux que des tentatives de manipulation dissimulées sous des prétextes de bienveillance. Nous sommes capables de définir notre propre chemin, en harmonie avec les valeurs de l’islam et les réalités des sociétés européennes.
Je me tiens à votre disposition pour toutes explications supplémentaires si besoin. N’hésitez pas à me contacter pour discuter plus en détail des raisons pour lesquelles nous rejetons cette prétendue stratégie de l’action culturelle islamique à l’extérieur du monde musulman.
Je vous remercie pour votre attention et espère que cette lettre suscitera une réflexion sérieuse sur les implications de vos actions.
Respectueusement,
Smaïn Bédrouni
Comment piller l’argent des contribuables de la C.E., sans que quiconque s’y oppose ?