Le 17 Octobre 1961 : Le massacre des
travailleurs algériens à Paris
Massacre d’algériens
du 17 octobre 1961: Un crime d’Etat à ne pas oublier
Il y a 47 ans, des dizaines de milliers d’Algériens sont descendus dans
les rues parisiennes pour protester contre le couvre-feu décrété par le
préfet de police, Maurice Papon. La répression policière a été
immédiate et surtout d’une sévérité inouïe.
Depuis cette date
beaucoup d’encre a coulé pour déterminer la responsabilité des
personnes ayant mené cette répression d’une part, et l’évaluation,
autant que faire se peut, du nombre des victimes de la tragédie d’autre
part. Plusieurs historiens français, grâce à leurs recherches
minutieuses, ont pu enquêter sur le massacre du 17 octobre. Les
chiffres qu’ils ont présentés sont très proches de ceux donnés par la
fédération de France du FLN, quelques semaines après les faits.
Ainsi, si on se fie aux travaux de l’historien Jean-Luc Einaudi, dans
son livre « La bataille de Paris », celui-ci estime que 200 personnes
était le nombre minimum de ceux qui ont laissé leur vie ce jour-là à
Paris. Quant à Jean Geronimi, avocat à la Cour de cassation, dans un
rapport remis au gouvernement socialiste en 1999, a estimé que ce
soir-là 48 personnes ont été noyées dans la Seine.
Cependant, le hic est que cet événement est survenu seulement trois
mois après la rencontre de Lugrin regroupant les plénipotentiaires,
mandatés par de Gaulle, et ceux du FLN afin qu’une solution soit
trouvée à la crise algérienne. Bien que les deux délégations aient
décidé de suspendre les pourparlers officiels, le contact secret a été
tout de même maintenu, donnant naissance cinq mois plus tard aux
accords d’Evian. D’ailleurs, un journaliste de France Soir, journal qui
n’avait jamais caché jusque-là sa sympathie pour le système colonial, a
démontré que la répression des manifestations était inopportune. Ainsi,
Jean Ferniot, dans son article du 20 octobre 1961, a noté ceci : « On a
dû constater que les musulmans respectaient des consignes très strictes
de calme et que leur cri, qui ne peut être considéré comme séditieux
depuis qu’il fut lancé par le général de Gaulle, était celui d’Algérie
algérienne ».
Toutefois, pour certains observateurs, la
répression de la manifestation organisée par le FLN n’était qu’une
manière de contester la représentativité du FLN en essayant de créer
pêle-mêle la fameuse troisième force. Selon Ali Haroun, l’un des
responsables de la fédération de France du FLN, les services de Roger
Frey, ministre de l’Intérieur, et M. Papon, ont mené une campagne
auprès de leurs subalternes leur expliquant que les militants du Front
n’étaient que des terroristes et des inconscients. D’ailleurs, le
préfet de police ne déclarait-il pas que : « plus l’idée que seules des
négociations pourront mettre fin à la guerre gagnera les masses, plus
vite et plus fort il faudra frapper le FLN, de façon à lui ôter toute
prétention à la représentativité exclusive au moment des discussions à
venir ». En prétextant l’assassinat de quelques policiers à Paris, le
préfet de police a décidé de frapper fort l’organisation du FLN:
interdire le contact entre les militants se réunissant dans des
bistrots qui appartenaient aux Algériens.
Pour les militants
du Front, interdire aux Algériens de sortir le soir était synonyme
d’arrêt de toute activité militante. Il faut rappeler que la plupart
des militants étaient d’abord des travailleurs ne pouvant militer
qu’après la fin de la journée de travail. C’est dans cette atmosphère
que la fédération du FLN s’était réunie le 10 octobre pour analyser la
situation et proposer une batterie d’actions afin de pousser les
autorités à abroger l’arrêté discriminatoire. Le comité fédéral,
histoire d’impliquer tous les émigrés, a entériné les actions suivantes
: « Durant deux soirs consécutifs : manifestation de masse de tous les
émigrés qui, pour boycotter le couvre-feu, défileront après 20 heures,
pacifiquement et en ordre, avec femmes et enfants, dans les principales
artères de Paris ».
De leur côté, les Algériens ont répondu
favorablement et en masse à l’appel du FLN. En effet, à peine 20 heures
pétantes, des milliers de manifestants ont envahi les rues de Paris.
Mais la police, commandée par Papon, a attendu ce moment propice pour
étaler son arsenal répressif. C’était au débouché du métro notamment
que celle-ci a attendu les groupes de personnes se dirigeant vers le
lieu de la manifestation, dont des femmes et des enfants. En quelques
minutes, la police a arrêté plusieurs milliers d’Algériens sous la
menace des mitraillettes. La main sur la tête, écrit Ali Haroun, les
Algériens ont été alignés le long des fourgons cellulaires. Quand la
chasse à l’homme s’est terminée aux environs de 22 heures 30, le nombre
d’arrestations était exorbitant. Le bilan officiel – en réduisant au
maximum les bavures policières – publié par la préfecture de police,
quarante-huit heures plus tard, a fait état de 11.638 arrestations.
Néanmoins, il faut également signaler que malgré la répression à grande
échelle, tous les policiers n’étaient pas d’accord sur le traitement
réservé aux Algériens. S’ils ne pouvaient pas empêcher ce forfait, ils
n’ont pas néanmoins couvert la bévue en signant une déclaration, le 31
octobre 1961 au nom du groupe des policiers républicains, dans laquelle
ils ont expliqué comment de simples travailleurs algériens ont été
massacrés. Il a été noté à juste titre dans leur déclaration que : «
Parmi les milliers d’Algériens emmenés au Parc des Expositions de la
porte de Versailles, des dizaines ont été tués à coup de crosse et de
manche de pioche par enfoncement du crâne, éclatement de la rate ou du
foie, brisures des membres ».
Finalement, à la veille du
cessez-le-feu, l’indépendance étant inéluctable, de Gaulle tenait
absolument à créer une troisième force favorable aux intérêts français
en Algérie, bien qu’il ait reconnu dès 1959 le principe de l’Algérie
algérienne. Mais en confiant cette mission au plus réactionnaire des
Français, en l’occurrence Maurice Papon, le général n’a-t-il pas
autorisé par ricochet la répression des travailleurs algériens ?
par Aït Benali Boubekeur
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