Sécurité

Hannah Mermelstein – ePalestine

Quel que soit le nombre de murs qu’ils
construiront, de personnes qu’ils jetteront en prison, de maisons
qu’ils détruiront, de plaques de rue qu’ils effaceront et de personnes
qu’ils expulseront, ils n’auront pas de véritable sécurité et
finalement le sionisme échouera.


Manifestation de fondamentalistes juifs, animés d’un racisme anti-arabe virulent.

(JPG)
« C’est la guerre contre les Arabes »

J’ai vu ce panneau en entrant à Naplouse, la semaine
dernière ; je l’ai revu en faisant route vers Ramallah et ensuite près
de Bethléem. On présume que ce sont des colons israéliens qui ont écrit
la phrase en hébreu sur d’énormes panneaux dans toute la Cisjordanie.
Le racisme israélien a pratiquement cessé de me choquer, mais la
manière dont il s’étale brutalement me coupe quand même le souffle
quand je le transpose dans d’autres contextes. Imaginez-vous, qu’en
traversant un quartier majoritairement noir dans une ville étasunienne,
vous tombiez sur un panneau énorme qui dise « C’est la guerre contre
les Noirs ».

Je pense à la sécurité. La manière dont Israël a abusé
de ce mot jusqu’à en vider presque le sens dans la région ;
l’importance de la sécurité au niveau de l’individu et à celui des
communautés ne peut être sous-estimée. Néanmoins, tout ce que je lis
dans les médias au sujet de la sécurité fait fi du droit pour le peuple
palestinien à ladite sécurité. « C’est la guerre contre les Arabes »
est un nouveau signe pour autant que je sache, mais pendant des années
en Cisjordanie j’ai vu des étoiles de David gribouillées sur des
magasins et des maisons palestiniennes disant « mort aux Arabes » et
« Kahane avait raison » (Kahane était un dirigeant politique extrémiste
qui préconisait le nettoyage ethnique du peuple palestinien ; cette
phrase est essentiellement équivalente à « Hitler avait raison » dans
un quartier juif).

Les panneaux ne sont
pas seulement créés, il en est aussi qui sont détruits. Depuis 1948,
les Palestiniens vivant en Israël ont vu leur identité effacée et niée
sans doute plus fortement que n’importe quel autre groupe de
Palestiniens. J’ai visité un ami à Lyd, la semaine dernière ; il vit
dans la rue Giborai Yisrael ("Héros d’Israel"). En traversant les
quartiers palestiniens de Lyd nous sommes passés par des rues portant
les noms de Herzl, Jabotinsky et d’autres dirigeants sionistes. Aucun
des vieux noms arabes de ces rues n’a survécu. Même dans les grandes
villes comptant de nombreux Palestiniens, les noms arabes sont
maintenant officiellement effacés sur les plaques de rue. Écrit en
lettres arabes, « Yaffa » deviendra « Yafo », « Nasra » deviendra
« Natzeret » et « Al Quds » deviendra « Yerushalayim ».

L’absence de sécurité va au-delà du refus de l’identité
et de l’histoire exprimée visuellement au moyen de plaques. Un ami
palestinien, de nationalité israélienne, m’a dit que la rumeur court
qu’une immense étendue en Jordanie est actuellement déblayée en vue de
l’arrivée de la population palestinienne d’Israël quand elle aura été
déplacée. « Cela relève peut-être d’une théorie de conspiration »
dit-il « mais je ne sais pas ».

« J’ose espérer qu’Israël ne va pas s’en tirer comme ça » ai-je répondu.

« Bien sûr qu’il peut s’en tirer » m’a dit un autre ami de Lyd « et si les conditions sont favorables, il s’en tirera ».

Imaginez-vous vivant au jour le jour en pensant que
vous pouvez être expulsés de votre pays très bientôt. Ou à Gaza , vous
demandant si vous allez être tué demain ou s’il vous sera jamais
possible d’aller et venir dans votre pays librement. Ou en Cisjordanie,
vous demandant si votre fils va se faire arrêter ou si vous arriverez à
traverser le poste de contrôle le matin pour aller au travail. Ou à
Jérusalem, si ils vous enlèveront votre permis, ou s’ils détruiront
votre maison.

Imaginez qu’il n’y pas de rapport entre le choix et la
conséquence, que le rapport est arbitraire entre cause et effet. Si
vous avez les mêmes chances d’être descendus et tués en buvant le thé
sur le pas de votre porte ou sur les bancs de l’école, ou quand vous
participez à une manifestation ou que vous rejoignez la résistance
armée, est-il surprenant que certains choisissent toutes les
éventualités ?

Une amie à moi de Cisjordanie m’a dit un jour qu’elle
ne se sent jamais en sécurité. Donc la sécurité n’entre pas en ligne de
compte dans les décisions qu’elle prend. J’ai beau essayer, je ne peux
pas imaginer cette absence de contrôle.

À Jérusalem, j’ai rencontré une femme qui avait été
déplacée de sa maison par des colons, enlevée physiquement de sa maison
par des douzaines de soldats israéliens au milieu de la nuit. Deux fois
réfugiée (en 1948 et en 2008), Oum Kamel vit actuellement sous une
tente qu’elle a déplacée six fois au cours des six derniers mois. Ceci
est peut-être le comble de l’insécurité et pourtant Oum Kamel reste
forte et déterminée. En Palestine beaucoup parleraient de soumoud ou de fermeté.

Ce type de force on le rencontre souvent en Palestine
et elle dénote une sécurité plus profonde qui vient en partie de la
foi. Foi en Dieu, parfois, mais aussi foi les uns dans les autres, dans
la justice de la cause, dans la marée de l’histoire qui a montré
qu’aucune occupation en Palestine ne dure pour toujours. Ceci bien
entendu est ce que les Israéliens craignent le plus. À savoir que quel
que soit le nombre de murs qu’ils construiront, quel que soit le nombre
de personnes qu’ils jetteront en prison, quels que soient le nombre de
maisons qu’ils détruiront, le nombre de plaques de rue qu’ils
effaceront et le nombre de personnes qu’ils expulseront, ils n’auront
pas de véritable sécurité et finalement le sionisme échouera. Comme
beaucoup de vieux Palestiniens me l’ont dit au sujet de la sécurité,
« nous avons survécu à beaucoup d’occupations. Celle-ci aussi
disparaîtra ».

Hannah Mermelstein est une militante et une bibliothécaire engagée vivant à Brooklyn NY. Elle a créé avec d’autres Birthright Unplugged et Students Boycott Apartheid et collabore à la campagne de New York pour le boycott d’Israël et le projet d’éducation palestinienne.

Du même auteur :

-  Cette terre était la leur – 25 mai 2008

-  La fin d’Israël ? – 23 décembre 2007

20 juillet 2009 – ePalestine – Cet article peut être consulté ici :

http://epalestine.blogspot.com/2009…

Traduction : Anne-Marie Goossens

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