17 octobre 1961. Emmanuel Macron reconnaît des « crimes inexcusables pour la République » mais pas le rôle de l’État

Cyprien Caddeo
 « Les crimes commis cette nuit-là sous l’autorité de Maurice Papon sont inexcusables pour la République », a reconnu Emmanuel Macron. Mais pas un mot quant aux responsabilités du ministre de l’Intérieur et du premier ministre de l’époque. Façon pour le président de dédouaner les plus hautes autorités de l’État. AFP
« Les crimes commis cette nuit-là sous l’autorité de Maurice Papon sont inexcusables pour la République », a reconnu Emmanuel Macron. Mais pas un mot quant aux responsabilités du ministre de l’Intérieur et du premier ministre de l’époque. Façon pour le président de dédouaner les plus hautes autorités de l’État. AFP

Le président s’est rendu à Colombes et a déposé une gerbe de fleurs en bord de Seine. Une première pour un chef d’État en exercice. Mais le geste laisse un arrière-goût d’inachevé. L’Élysée avait prévenu en amont : pas de discours. Alors c’est par un bref communiqué que l’exécutif s’est exprimé. Dans celui-ci, Emmanuel Macron reconnaît des « crimes inexcusables pour la République » le 17 octobre 1961, « commis cette nuit-là sous l’autorité de Maurice Papon ». « La France regarde toute son Histoire avec lucidité et reconnaît les responsabilités clairement établies », peut-on également y lire.

Interrogé sur l’absence de discours solennel, le palais a répondu que la seule présence physique du président sur un lieu de mémoire suffit à marquer l’importance du moment. Il est vrai qu’en se rendant à Colombes (Hauts-de-Seine) pour déposer une gerbe de fleurs en bord de Seine, Emmanuel Macron est devenu le premier chef d’État en exercice à participer à une commémoration du 17 octobre 1961, soixante ans après le massacre. Il a observé une minute de silence au pied du pont de Bezons, qui relie Colombes à Nanterre, et d’où étaient partis, à l’époque, un cortège de manifestants en provenance du bidonville de Nanterre. Ils s’étaient rassemblés pacifiquement contre le couvre-feu qui visait spécifiquement les « Français musulmans d’Algérie » (FMA), comme on les qualifiait à l’époque. C’est là aussi que furent repêchés dans le fleuve plusieurs corps de « FMA », assassinés par la police.

La reconnaissance des faits par Emmanuel Macron laisse cependant un arrière-goût d’inachevé. On a connu le chef de l’État plus grandiloquent et prolixe en matière de mémoire, confère ses discours pour le bicentenaire de Napoléon, les 150 ans de la Troisième République ou encore son adresse aux Harkis. Surtout, s’il reconnaît « des crimes inexcusables pour la République », il n’évoque pas des crimes « de » la République. Une nuance importante, bien que malheureusement attendue, car l’Élysée avait balayé toute volonté de « repentance ». Dans son communiqué, le président impute l’essentiel de la responsabilité à Maurice Papon, préfet de police de Paris à l’époque. Mais il n’évoque pas le gouvernement qui l’avait nommé expressément pour ses compétences en matière de « maintien de l’ordre » sanglant au Maroc et en Algérie. Le rôle de Michel Debré, premier ministre et forcément mis au courant de la manifestation, n’est pas non plus à l’ordre du jour.

Ainsi, les associations de descendants de victimes et pour la mémoire du 17 octobre 1961, dont certaines demandaient à la fois la reconnaissance d’un « massacre d’État » mais aussi d’un « mensonge d’État » (la dénégation des violences policières), n’ont pas été pleinement entendues. La question du plein accès aux archives, elle aussi, reste sensible, alors que certaines dépouilles de disparus n’ont jamais été retrouvées.

Source : L’humanité