Lorsqu’un problème est particulièrement insoluble, il comporte généralement de nombreux éléments mobiles, ce qui rend sa solution encore plus difficile à atteindre.
Les causes et les effets se confondent, surtout lorsque rien ou presque n’est établi.
Dans le cas de l’illégalité, dans des sociétés où l’on ne peut compter sur l’intégrité d’aucun des deux côtés du prétendu fossé et où toutes les parties soupçonnent une corruption intéressée à tous les niveaux, la lutte contre le crime est souvent vouée à l’échec.
Les populations occidentales ont été encouragées à considérer l’individualisme comme primordial depuis les années Reagan/Thatcher. La cupidité et l’exploitation de tous les moyens, qu’ils soient totalement honnêtes ou non, ont conduit à un niveau douteux d’intégrité personnelle.
La ligne de démarcation entre l’honnêteté autoproclamée et la naïveté de l’auto-exclusion s’est progressivement estompée et ceux qui s’en tiennent aux règles sont désormais considérés comme des losers purs et durs. Ceux qui profitent des lacunes de la loi et s’octroient des avantages auxquels ils n’ont pas droit ont tendance à être, et à être perçus comme, les gagneurs.
En plus de ce qui précède, tout le monde a été encouragé à concevoir que ses opinions et son style de vie ont droit au respect, même s’ils sont erronés ou malavisés. La liberté parfaite dans le cadre de la loi a été le maître mot de ces cinquante dernières années au moins en Occident. L’individualisme, la confiance en soi et le droit d’avoir une opinion aussi valable que celle des autres ont suivi le même chemin que la nouvelle religion de la consommation sans bornes.
En comparant avec les sociétés antérieures et contemporaines, nous pouvons voir comment l’Occident a de plus en plus et surtout favorisé la séparation des individus plutôt que de s’approcher de la solidarité ou de la communauté. Les États-Unis et le Royaume-Uni, pendant et après l’ère Reagan/Thatcher, ont encouragé la même exploitation et la même concurrence individuelles que celles observées auparavant dans le monde des grandes entreprises. Désormais, chaque individu est encouragé à être un dieu ou une déesse ayant le droit d’exploiter tout ce qu’il possède en rivalisant avec tous les autres.
Avec le déclin massif de l’influence des croyances chrétiennes traditionnelles et des restrictions concernant l’honnêteté, les dieux les plus favorisés étaient ceux de Mammon et de Bacchus, les dieux de la richesse et de l’excès. Les individus devaient devenir autonomes et pleinement capables d’affirmer leurs droits de manière sûre d’eux en toutes occasions. En d’autres termes, ils devaient devenir des personnages aux mouvements aléatoires, ou du moins agir de manière beaucoup plus aléatoire qu’auparavant. Il ne s’agit pas seulement de leur mouvement physique, bien sûr, mais aussi de celui de leur esprit.
Les dieux du monde antique n’étaient pas toujours aussi bienveillants que le dieu unique chrétien du monde occidental est censé l’être. Ils étaient nombreux au sein des panthéons grecs et romains et les divinités primordiales, en particulier, avaient un haut degré de pouvoir individuel tout en étant sous la supervision présumée du « roi des dieux », Zeus/Jupiter. Il en va de même pour les individus du monde occidental élevés à un statut presque divin en termes de droit d’être aussi différents de tous les autres que possible, si tel est leur souhait.
Comparez la capacité des individus occidentaux à s’engager dans une liberté maximale grâce à l’accès aux privilèges de la richesse occidentale construite sur un long colonialisme et l’exploitation de la faiblesse des autres et l’abus de pouvoirs bien plus grands, avec ceux où la coopération, et non l’individualisme et la compétition, apporte un bénéfice durable. Dans le cas de ce dernier groupe, l’individualisme, la concurrence maximale et un degré élevé d’exploitation sans intégrité entraînent une vulnérabilité croissante à toutes sortes de menaces susceptibles de diminuer le potentiel de survie des populations.
Les sociétés qui travaillent ensemble pour obtenir les moyens nécessaires pour permettre à tous leurs membres de vivre à un niveau acceptable dans des nations à l’excès minimal ont tendance à avoir la capacité et la volonté de réagir à toute menace à laquelle elles sont confrontées. Elles ont tendance à avoir des dirigeants qui guident les populations en se basant sur des faits objectifs plutôt que sur des intérêts personnels opportuns et des avantages politiques divers pour eux-mêmes. Une telle société existe en Chine et, dans une certaine mesure, en Russie, bien que la Chine en soit le meilleur exemple.
La population de l’Occident a été encouragée par sa position historique privilégiée à résister à l’unité, ou, pour mieux dire, à embrasser pleinement l’individualité. Dans un monde idéal, bien sûr, des individus totalement libres et imprégnés d’une sagesse irréprochable ne pourraient faire que peu de mal et s’uniraient pour faire cause commune contre les menaces grâce à une logique partagée entre eux en raison de leur sagesse commune et de leur sérénité d’esprit. Mais nous voyons bien que l’élément de sagesse et l’impulsion à la coordination et à la solidarité font clairement défaut dans les nations « libres » de l’Occident.
Au lieu d’individus parfaits imprégnés d’une grande sagesse, je pense que nous pouvons voir où l’anarchie occidentale mènera l’humanité. Vers un chaos, une division et un désaccord toujours plus grands, alors que des individus totalement autonomes s’affrontent en se croyant dans chaque cas des dieux autonomes, bien que l’élément crucial de la sagesse fasse presque totalement défaut. Ce dernier attribut manquant n’est bien sûr pas reconnu un seul instant, tous ayant été informés que leur point de vue est comme celui de tous les autres.
Je crois que c’est là que la société occidentale sera de plus en plus considérée comme inadaptée aux défis et aux menaces qui la submergent actuellement et à ceux à venir, qu’il s’agisse de nouvelles pandémies ou des effets catastrophiques du changement climatique. Et inversement, je crois que c’est là que les nations historiquement plus pauvres de l’Est seront de plus en plus perçues comme ayant réussi, dans l’unité, la discipline, l’adhésion aux mœurs traditionnelles d’honnêteté, de décence et de solidarité de la communauté et des valeurs collectives.
Le jeu de dieu de l’Occident a créé une avidité narcissique et intéressée qui a déjà écrasé une grande partie de l’honnêteté traditionnelle qui était autrefois encouragée par ses croyances religieuses. Je ne vois aucune preuve qu’un retour à l’unité collective des objectifs ou au désir d’intégrité sociétale se produira au sein des sociétés occidentales. La nature aléatoire de ses composantes semble rendre toute solution digne de ce nom à ses problèmes, pratiquement impossible.