Intervenant au cours de la journée d’étude sur le thème « Printemps arabe, mythe ou réalité ? » ayant eu lieu hier à Alger, Yves Bonnet, ancien patron du contre-espionnage (DST, services secrets français), a déclaré qu’« il faut savoir qu’il y a au Quai d’Orsay un lobby anti-algérien en particulier».
« C’est un certain nombre de diplomates qui n’aiment pas l’Algérie », a-t-il ajouté.
Yves Bonnet, également ancien préfet, auteur de plusieurs ouvrages et président fondateur du Centre international de recherches et d’études sur le terrorisme et l’aide aux victimes du terrorisme (CIRET-AVT) qui s’exprimait sur la politique française, dira que « nous n’avons plus de ligne déterminée, contestable ou non contestable ». L’ancien directeur de la DST explique que « la politique française envers l’Algérie était dictée par une certaine passion et un certain passé de chefs d’État français vis-à-vis de ce pays.
Je cite De Gaulle qui s’était installé en Algérie en 1943, Pompidou, Giscard d’Estaing, Mitterrand qui avait fait guillotiner des militants FLN quand il était ministre de la Justice, et Chirac qui avait reçu un camouflet de la part de Zeroual dans l’incident de Manhattan », explique-t-il.«Zeroual m’avait dit que l’Algérie attend trois choses de la France, à savoir l’indépendance, l’égalité, c’est-à-dire un rapport d’égal à égal et le respect des élections.
J’ai essayé de faire comprendre ça à Chirac, mais il ne voulait rien entendre, il avait des conseillers qui lui recommandaient d’agir de façon contraire à ces attentes et ces conseillers sont toujours en poste. Pour Sarkozy, c’est tout autre chose, je préfère ne rien dire », a-t-il ajouté.
Concernant le thème de la journée d’étude, Yves Bonnet livre son analyse sur les causes ayant provoqué le « printemps arabe ».
Pour l’ancien patron de la DST, « le printemps arabe qui ne peut être dénué de manipulation extérieure est dû à des constantes, celle historique, celle géographique concernant la Méditerranée et une autre constante que j’appellerai les ingérences. Je défie quiconque pouvant me prouver que l’ingérence a, dans n’importe quelle date de l’histoire de l’humanité, été bénéfique », a-t-il, lancé, ajoutant : « Ne cherchez pas, il n’y en a aucune ».
« La Méditerranée est un enjeu. Ça a intéressé, dans un temps, les Britanniques qui, eux, étaient de passage, et là ça intéresse les États-Unis d’Amérique et Israël », selon Yves Bonnet, qui explique les causes du « printemps arabe » par l’intérêt accordé à cet espace. Il relève, d’autre part, « les conséquences de ce qui est qualifié de printemps arabe », témoignant que l’Irak de Saddam Hussein et la Libye de Kadhafi étaient plus stables qu’actuellement.
On oublie un peu trop vite que le Baâth d’El Assad a apporté la démocratie, selon lui. « Ce qui est qualifié de printemps arabe n’est pas motivé par la démocratie, puisque le Qatar qui se veut prophète de la démocratie respecte très peu la démocratie, l’Arabie saoudite réprime au sud de ce pays et interdit aux femmes de conduire un véhicule et que le Bahreïn fait également dans la répression, mais ils le font tous sous le silence de ceux-là mêmes qui se félicitent de ce qui est qualifié de printemps arabe dans d’autres pays ».
Pour Yves Bonnet, « les USA cherchent à instaurer des régimes qui leur sont soumis et donc à qui ils font confiance. Ils ont de leur côté plusieurs pays, dont l’Angleterre, le Japon et le Pakistan. Il rappelle que « ce sont les USA qui, pour les besoins de la guerre d’Afghanistan, ont fabriqué cet extrémisme qui n’a rien à voir avec l’Islam ».