Illizi a écrit:
Afghanistan: les survivants témoignent du bombardement d’une cérémonie de mariage
américain qui a massacré en trois frappes successives 47 personnes,
pour la plupart femmes et enfants, participants à une cérémonie de
mariage dans la province de Nangarhar. Les témoignagnes qu’il a
recueilli sont accablants.
Au sommet d’une colline dans les montagnes de l’est de
l’Afghanistan, on voit les trois zones d’impact carbonisées, là où les
bombes américaines ont frappé.
Tout autour sont dispersés des morceaux de métal tordu,
des taches de sang et de petits fragments de vêtements brodés de
couleurs vives – ceux que les épouses afghanes portent lors de leur
journée de noces. Après des heures de route pour parvenir à ce village
situé dans une région reculée de la région rebelle des montagnes de
Nangarhar, nous avons entendu maintes et maintes fois le récit
effroyable de cette terrible journée.
terminé par la mort de sans doute 52 personnes, en majorité des femmes
et des enfants, et d’autres victimes grièvement blessées.
Les forces américaines ont déclaré avoir ciblé les
insurgés dans cette frappe aérienne. Mais d’après ce que j’ai vu de mes
propres yeux et entendu de nombreuses personnes éplorées, aucun
militant ne figure parmi les morts.
Bombardement d’enfants
Une grande cérémonie se tenait à l’occasion d’un double
mariage entre deux familles, chacune d’entre elles échangeant une
épouse et un mari.
Ainsi, le fils et la fille de Lal Zareen devaient se marier le même jour.
Il nous a fait le récit de cette journée avec son fils, de 13 ans, le jeune marié, assis à ses pieds.
« C’est toute la famille qui me reste », déclare-t-il sur le ton étrange d’un constat.
que le groupe des participants au mariage traversait un passage étroit
dans les montagnes séparant les vallées où vivent les deux familles.
Surgi de nulle part, un jet volant bas a largué une
bombe directement sur le sommet de la passe à proximité d’un groupe
d’enfants qui s’étaient porté en avant et se reposaient, en attentant
que les femmes rattrapent leur retard.
Lal Zareen attendait avec impatience l’arrivée de ses
invités lorsqu’il a entendu l’explosion et a commencé à gravir la piste
escarpée menant à la passe.
Zareen Shah faisait partie du groupe se trouvant sur le
chemin – il avait échappé de justesse à la première bombe et a dit aux
femmes de rester là où elles étaient tout en se précipitant pour venir
en aide aux enfants.
Deuxième explosion
Shah Zareen a ramassé l’un des blessés, couru vers le
bas au village et sur le chemin il a appelé un membre local du
Parlement sur un téléphone portable pour dire qu’ils avaient été
attaqués.
Mais il a alors entendu une deuxième explosion – une
bombe avait été larguée sur le groupe de femmes et la quasi-totalité
d’entre elles ont été tuées.
Trois jeunes filles en avaient réchappé, dont l’épouse,
mais alors qu’elles dévalaient la colline une troisième bombe a explosé
sur elles.
Shah Zareen m’a expliqué que l’une des nombreuses
nouvelles tombes creusées n’avait recueilli que les parties du corps de
deux ou trois personnes et que les tombes non utilisées étaient
destinées à ceux qui étaient encore portés disparus – une fois que
leurs dépouilles auront été trouvées.
Les membres de l’équipe de la BBC étaient les premiers étrangers à
observer les lieux d’impact des bombes – même les enquêteurs afghans
n’avaient pas escaladé ces montagnes escarpées – et il y avait de
nombreuses preuves à l’appui de ces récits.
Le fait nous ayons pu nous rendre dans cette région
dans des véhicules locaux prouve que les insurgés talibans, membre
d’Al-Qaida ou combattants étrangers n’étaient pas présents dans la
vallée.
Les gens nous ont dit qu’ils n’avaient pas vu les
militants, mais ont admis il pourrait y avoir eu des personnes
franchissant la passe au sommet de la crête voisine qui conduit à Tora
Bora, région connue pour ses insurgés.
Des erreurs coûteuses
L’armée américaine affirme qu’elle enquête sur
l’incident et il apparaît qu’elle pourrait détenir un enregistrement
vidéo réalisé quelques heures plus tôt montrant des insurgés se
déplaçant à proximité.
Mais il semble évident qu’une énorme erreur a été
commise le 6 Juillet. Un communiqué US au sujet de ce bombardement
indique que : « toute perte de vie innocente est tragique ».
« Je vous assure que nous ne ciblons pas de civils et
que nos forces font de grands efforts pour éviter des victimes
civiles », a déclaré le lieutenant Nathan Perry.
Les États-Unis n’affirme plus désormais que les morts
étaient des insurgés, comme ils l’avaient fait durant les deux jours
qui ont suivi le bombardement, mais il pourrait s’écouler un certain
temps avant que l’enquête ne se termine.
Ces victimes civiles ne sont pas une première pour la
province de Nangarhar – l’année dernière un convoi de Marines
américains avait été visé par un attentat à la bombe et dans la
confusion, les soldats avaient ouvert le feu dans un marché local,
tuant 19 personnes.Ces hommes ont été renvoyés chez eux et leurs officiers
inculpés, mais une décision ultérieure les a dégagé de toute responsabilité pour ces morts.
Mirwais Yasini, un élu de la région qui est le
vice-président du parlement Afghan, souligne que le nombre de victimes
civiles élargit le fossé entre le peuple et le gouvernement et les
forces internationales.
Durant un autre service commémoratif se tenant dans ces
montagnes, Zareen Lal m’a confié : « Je veux que le Président Karzai
s’assure que les personnes responsables de cela aient à répondre devant
la justice. »
Cela dépendra des conclusions de l’armée américaine et des décisions du gouvernement afghan.
Ces erreurs sont incroyablement coûteuses dans une
campagne anti-insurrectionnelle qui consiste à rallier les populations,
et non pas à les retourner contre les autorités.
Je me demande combien de nouveaux ennemis vont se dresser à Nangarhar, à la suite de cette dernière effusion de sang ?
http://contreinfo.info/article.php3?id_article=2140