La campagne
présidentielle de Barak Obama, c’est clair, est devenue le moyen d’introduire
un changement de priorité dans la politique d’agression militaire américaine.
Cette priorité n’étant plus l’Irak mais l’Afghanistan et l’Asie centrale.
Obama fait la promotion d’une extension de la guerre
en Afghanistan : encore une course à la présidence entre deux candidats
bellicistes
Obama qui a remporté la primaire démocrate en puisant dans le sentiment
populaire anti guerre et en exploitant le vote de sa rivale en faveur
de la guerre en Irak, est devenu le principal porte-parole d’une
escalade de la guerre en Afghanistan et d’une possible extension de
celle-ci au Pakistan ; une politique qui jouit d’un soutien grandissant
au sein de l’establishment politique et militaire.
On assistera une fois de plus à une
élection présidentielle américaine où le sentiment largement partagé de
la population contre la guerre sera ignoré et où sera laissée pour
compte une majorité du peuple américain qui se trouve en opposition aux
guerres d’agression. Les électeurs auront à choisir entre deux
candidats, Barak Obama et son adversaire républicain John McCain, dont
les divergences visibles en politique étrangère reflètent des
différends de nature tactique sur la politique impérialiste américaine
et ayant surtout trait à la question de savoir sur quoi la violence
militaire américaine doit se concentrer.
campagne des primaires démocrates était un moyen cynique destiné à
duper ceux qui veulent voir se terminer la guerre en Irak. C’était un
effort calculé pour fixer une opposition de principe à la guerre et la
subordonner à des sections de l’establishment politique et militaire
dont le désaccord avec la politique militaire de Bush n’a rien à voir
avec une opposition au militarisme américain ou aux visées
néocoloniales de l’impérialisme américain.
Obama a été choisi et promu par des
figures telles que Zbigniew Brzezinski, le conseiller à la Sécurité
nationale de Jimmy Carter qui considère l’invasion de l’Irak comme une
bourde stratégique ayant miné l’influence des Etats-Unis et affaibli
leur position stratégique internationale. La fixation faite par
l’administration Bush sur l’Irak, disent ces figures, a détourné des
ressources militaires et financières de tâches plus importantes, parmi
lesquelles la consolidation de la puissance américaine dans une Asie
centrale riche en pétrole.
Leur candidat Obama a dit en même
temps clairement, et l’a répété de façon démonstrative lors de son
récent voyage en Irak, qu’il soutenait le régime fantoche de Washington
dans ce pays et que, en tant que président, il y maintiendrait
indéfiniment une présence militaire américaine forte de dizaines de
milliers de soldats afin de garantir les intérêts des Etats-Unis dans
un pays qui comporte les deuxièmes plus importantes réserves
pétrolières du monde.
L’élection présidentielle de 2008
n’est que le plus récent exemple de la façon dont le Parti démocrate et
ses candidats ont saboté et miné l’opposition anti guerre. Aux
élections du Congrès en 2002, le Parti démocrate a fait disparaître la
question des préparatifs de guerre contre l’Irak de la campagne
électorale tout en faisant la promotion des mensonges de Bush sur les
armes de destruction massives et il a fourni les voix nécessaires au
Congrès pour autoriser l’invasion.
En 2004, la direction du Parti
démocrate et les médias ont fait dérailler la campagne pour la
nomination du gouverneur de l’Etat de Vermont, Howard Dean et l’ont
fait stopper, une campagne utilisée au départ pour canaliser le
sentiment anti guerre croissant derrière le Parti démocrate. Le
sénateur John Kerry qui lui, avait lors des primaires fait campagne en
tant que critique de la guerre, escamota la question une fois sa
nomination assurée. Vers la fin de la campagne électorale pour la
présidence, sa campagne battant de l’aile, Kerry se présenta alors
comme un héros de la guerre du Viet Nam qui, s’il était élu, conduirait
la guerre en Irak de façon plus efficace que Bush.
Dans la période qui a précédé
l’élection au Congrès de 2006, les démocrates firent une fois de plus
de leur mieux pour empêcher que l’élection ne devienne un référendum
sur la guerre. Cela fut cependant rendu impossible par l’importance du
sentiment anti guerre existant. Une mobilisation de masse des électeurs
opposés à la guerre assura la défaite de dizaines de députés et de
sénateurs républicains et donnèrent pour la première fois depuis 1994
au Parti démocrate le contrôle des deux chambres du parlement.
Le Parti démocrate se mit ensuite à
voter en faveur de chaque loi d’Appropriation requise par la
Maison-Blanche, y compris celle autorisant le financement du « surge »,
l’escalade de la tuerie demandée par Bush. Les démocrates votèrent
aussi pour confirmer la nomination de chacun des responsables
militaires nommés par Bush, y compris celle du ministre de la Défense,
Robert Gates, du commandant des troupes US en Irak, le général David
Petraeus et du chef d’état-major des armées, l’amiral Michael Mullen.
Les démocrates ont, par de tels
moyens, réussi à désorienter, démoraliser et dissoudre toute
manifestation significative et organisée du sentiment anti guerre,
alors même que l’opposition des américains à la guerre continuait de
grandir.
A présent l’establishment libéral
s’aligne sur Obama pour faire la promotion d’une « guerre juste » en
Afghanistan. Comme l’a écrit l’éditorialiste Eugene Robinson mardi dans
le Washington Post : « Les évènements se sont ligués pour faire de la
stratégie avancée par Barack Obama et d’autres dirigeants démocrates
(déterminer un calendrier de clôture du show accessoire en Irak ;
concentrer l’attention et les ressources sur l’action principale en
Afghanistan) la seule façon sensée de continuer. »
Dimanche, l’éditorialiste du New York
Times, Frank Rich critiquait vertement McCain pour avoir un an de
retard sur Obama et ne pas avoir reconnu « l’Afghanistan comme le front
principal de la guerre contre Al Quaeda ». Et il ajoutait : « M. McCain
ne comprend toujours pas que nous ne pouvons pas envoyer de troupes en
Afghanistan si on ne les retire pas d’Irak ».
Comment cela fut-il réalisé?
Le Parti démocrate a réussi à exploiter la vulnérabilité d’une
population exposée à des décennies de propagande droitière et de
désinformation de la part des médias et à l’absence de toute opposition
véritable à la réaction politique au sein des deux partis.
Il a joui pour cette opération cynique
et réactionnaire d’une aide indispensable de la part des groupes
protestataires petit-bourgeois, des ex-radicaux et des libéraux de
gauche qui ont agi de façon résolue pour canaliser le mouvement anti
guerre derrière le Parti démocrate, insistant pour dire qu’aucune lutte
contre la guerre n’était permise ou légitime hors de l’orbite du
système bipartite.
Des organisations telles que United
for Peace and Justice et le magazine Nation se sont opposés à toute
lutte cherchant à mobiliser le sentiment anti guerre indépendamment des
partis capitalistes et à associer celle-ci à un programme socialiste
pour unir la classe ouvrière contre les attaques sur les conditions
sociales et les droits démocratiques. Par leur ignorance politique et
leur opportunisme sans fin, ils ont miné le mouvement même qu’ils
prétendaient diriger.
A présent beaucoup de ces groupes « de
gauche » se désespèrent et se montrent consternés devant les
déclarations belliqueuses du candidat démocrate. Katrina Vanden Heuvel,
la rédactrice en chef de Nation écrit : « il est troublant de voir
qu’alors qu’il témoigne d’une pensée saine en Irak, Obama continue
aussi de parler d’escalade de la présence militaire en Afghanistan ».
Elle exhorte le candidat démocrate à « penser fort et dur » sur le fait
d’« extraire les Etats-Unis d’une guerre pour se diriger vers une autre
».
Cette déclaration mêle l’illusion à la
tromperie et à la réaction pure et simple. Comme Obama lui-même insiste
pour le dire, il a appelé il y a plus d’un an à une escalade militaire
en Afghanistan. Qui plus est, faire l’éloge de la politique d’Obama en
Irak en disant qu’elle est « saine » constitue un soutien à une
présence militaire permanente et à l’imposition pour toujours à ce pays
d’un statut de protectorat américain.
Lancer de tels appels au candidat
démocrate ne sert qu’à encourager les illusions sur le fait qu’on
pourrait le faire bouger et le faire adopter un cours moins militariste
par une pression d’en bas et que le Parti démocrate ou une partie de
celui-ci pourraient être l’instrument pour arriver à la paix.
Ces gens hostiles au marxisme sont
incapables de faire une analyse de classe du Parti démocrate, un des
plus vieux partis capitalistes du monde.
Il est nécessaire de tirer les leçons
de ces expériences importantes. Le Parti démocrate est depuis longtemps
un cimetière pour mouvements de protestation et d’opposition populaire,
du mouvement populiste des années 1890, au mouvement des droits
civiques et anti guerre des années 1960, en passant par le mouvement
syndical industriel des années 1930
C’est seulement grâce à une rupture
décisive et irréversible d’avec le Parti démocrate et par la
mobilisation indépendante de la classe ouvrière américaine et
internationale, dans une lutte contre la guerre et le système
capitaliste qui est sa cause première, que sera mis un terme aux
guerres d’Irak et d’Afghanistan.
Par Jerry White