Illizi a écrit:
Cheney et la tentative de putch
en Turquie
Paris, le 2 août (LPAC)—Le
nom du vice-présidentétats-unien, Dick Cheney, apparaît à plusieurs reprises dans le
document de 2500 pages qui a permis à un procureur de l’Etat turc d’inculper le réseau politico-criminel dénommé Ergenekon. Comparé à l’équivalent turc du réseau Gladio — les « stay-behind » de l’ OTAN
en Italie qui furent impliqués dans une série d’attentats terroristes –
ce réseau est accusé d’avoir comploté une stratégie de tension devant
aboutir à un coup d’Etat militaire contre le gouvernement de Recept
Tayyip Erdogan et son parti, l’AKP.
Le nom de Dick Cheney apparaît pas moins de quatre fois
dans l’inculpation. Un des rapports fait état d’une rencontre entre les
plus proches conseillers de Cheney et les représentants à Washington du
quotidien ultranationaliste Cumhuriyet. Or, l’un des directeurs
de la fondation Cumhuriyet à laquelle appartient ce journal, n’est
autre que le General de gendarmerie (cr) Mehmet Sener Eruygur, l’une
des personnalités arrêtées dans le cadre de cette enquête. Le directeur
de publication du journal, Ilhan Selcuk, ainsi que son rédacteur en
chef, Ibrahim Yilgez, ont aussi été interrogés dans le cadre de cette
enquête. Bien que ce dernier ne soit pas inculpé, il avait été arrêté
et condamné il y a quelques années, pour avoir publié des calomnies
contre le Premier ministre Erdogan.
A la page 1771 du document, figure un rapport sur une
discussion entre Sulcuk et Yilgez, enregistrée à leur insu, le 20
février dernier, où a été évoqué une rencontre entre leur correspondant
à Washington, Elcin Poyrazlar, et trois proches de Cheney, notamment
son premier et son deuxième conseiller, ainsi qu’un troisième identifié
comme un membre de la Commission politique, le 14 février 2008. Selon
l’inculpation, la discussion entre Poyrazlar et les conseillers de
Cheney a porté sur la situation politique turque, et des alternatives à
l’AKP ont été évoquées, si la situation turque venait à être
déstabilisée. Il a été question du CUP (Parti républicain du peuple),
mais cette possibilité a été rejetée étant donné la marginalisation du
CUP. Suite à ces enregistrements, Selcuk a été arrêté le 21 mars et
interrogé sur le fait que son correspondant rencontre les conseillers
de Cheney.
Ce rapport est important pour trois raisons.
D’abord, il révèle le réflexe salutaire de la police
turque, qui semble soupçonner ceux qui rencontrent le Vice-président
des Etats-Unis, de possible trahison. Il est bien connu en Turquie et
aux Etats-Unis, que Cheney, comme ses maîtres à Londres, opposent de
façon véhémente aux pourparlers de paix entreprises par la Turquie dans
la région, notamment ceux qui ont lieu entre la Syrie et Israël.
Deuxièmement, parce que ce n’est certainement pas une
coïncidence si le 14 mars, juste quelques semaines après cette
rencontre, le procureur de la Cour constitutionnelle turque a traîné
l’AKP devant cette Cour, l’accusant de vouloir violer le caractère laïc
de l’Etat. Ce procès a été gagné par l’AKP il y a quelques jours.
Troisièmement, il y a le fait que le 24 mars, au cours
de l’une des tournées au Proche-Orient qui l’avait amené en Turquie,
Cheney a exercé des pressions sur ce pays pour qu’il envoie des troupes
de combat en Afghanistan ; ce que le gouvernement a rejeté. Il y a des
troupes turques en Afghanistan mais elles ne participent pas aux
combats.
Beaucoup de commentateurs avaient dit à l’époque que
Cheney avait sollicité le soutien de la Turquie à une guerre contre
l’Iran, ce que les autorités turques ont refusé. Mais depuis
l’éclatement de l’affaire Ergenekon, certains commentaires publiés par
la presse turque évoquent la possibilité que les néo-conservateurs
puissent être derrière une tentative de putsch contre le gouvernement,
pour mettre à la place un gouvernement favorable au déclenchement d’une
guerre contre l’Iran.
source: http://www.solidariteetprogres.org/article4385.html
22 janvier 2008 : Razzia et arrestations en Turquie – l’organisation secrète
Ergenekon projetait depuis neuf mois l’assassinat d’Orhan Pamuk, d’Ahmet
Türk, de Leyla Zana, d’Osman Baydemir et de Fehmi Korus
L’organisation secrète portant le nom évocateur Ergenekon*
avait déjà rassemblé 2 millions de livres turques (1,5 millions
d’euros) sur un compte bancaire, provenant de « dons », afin de mettre
Orhan Pamuk à la première place de sa liste de cibles à abattre, et de
le faire assassiner lors d’un de ses séjours à Istanbul. Dans ce but,
et à l’ordre du général de brigade à la retraite Veli Küçuk, un haut
officier également à la retraite a rencontré le tueur à gages Selim A.
dans un café fréquenté par des militaires. Tout devait se dérouler
selon le schéma des assassinats du prêtre catholique Andrea Santoro
(Trébizonde, novembre 2006) et de Hrant Dink : des militaires de haut
rang à la retraite recrutent et instruisent des jeunes gens, pour les
lancer aux trousses des minorités ethniques ou des alternatifs. En plus
du premier prix Nobel de littérature turc, trois politiciens du parti
kurde DTB et un journaliste proche du AKP étaient sur la liste. Le
jeune Selim A. était exigeant : il voulait l’intégralité du compte
bancaire de l’organisation Ergenekon ainsi
qu’un pistolet Glock, non détectable par les détecteurs de métaux. Le
projet d’assassinat de Hrant Dink était également connu des services de
gendarmerie JITEM un an avant la mise à exécution, sans que les
services de sécurité ne soient intervenus. Küçuk était d’ailleurs le
fondateur du service de renseignements de la gendarmerie. Cette fois-là
cependant, on n’a pas laissé commettre le meurtre du médiatique Orhan
Pamuk ; dans le cadre d’une razzia dans toute la Turquie, les
dirigeants d’Ergenikon ont
été arrêtés avant le crime. Veli Küçük et l’avocat Kemal Kerincsiz,
président de l’association ultranationaliste des juristes de Turquie,
sont les plus importants des 60 prévenus. Ils encourent éventuellement
une inculpation pour formation d’une organisation terroriste.Les motifs
et les causes profondes de cette razzia n’intriguent pas que les médias
turcs. Beaucoup de commentateurs et de chroniqueurs osent à peine
espérer qu’elle constituera le dernier pas vers un Etat de droit. Pour
beaucoup, cette razzia évoque les exemples historiques de la révolution
nationale turque, comme notamment la liquidation des assassins
principaux des minorités chrétiennes par les chefs du Ittihad ve
Terakki, pendant la Première Guerre Mondiale, ou bien l’arrestation et
l’exécution des Unionistes par le gouvernement de Mustafa Kemal entre
1923 et 1926. Dans tous ces cas, il s’agissait principalement
d’éliminer les complices et les exécuteurs de crimes d’Etat. Il reste
maintenant à voir si l’organisation Ergenekon servira
de bouc émissaire, et se verra attribuer tout les crimes violents à
caractère politique que la justice n’a pas pu élucider de façon
satisfaisante. De plus, et cela est très important, Ergenekon n’est
pas la seule l’organisation de l’Etat profond ayant projeté des
assassinats. Il est donc très probable que de nouvelles têtes
pousseront à cette hydre.
Explication :
*«
Ergenekon » : il s’agit d’une légende turque, selon laquelle,
autrefois, les chinois auraient attiré les Turcs dans un piège et les
auraient tués. Seul un Turc aurait survécu, avec de graves blessures.
Une louve grise nommée Asena l’aurait alors trouvé et amené dans la
vallée Ergenekon. Le survivant aurait eu des enfants avec la louve,
dont les descendants seraient les Turcs actuels.
Plus tard, les
enfants de la louve et du dernier Turc auraient fondu une montagne de
minerai de fer, et auraient ainsi pu sortir de la vallée des
loups.C’est pour cette raison que tous les 21 mars, les politiciens
turcs frappent sur un morceau de minerai.
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