Impérialisme
Américain: Du Bourbier Vietnamien au Bourbier Afghan : le Pakistan risque de
subir le même sort que le Cambodge à l’époque
La guerre américaine
s’étend au Pakistan
est décidée à étendre la guerre d’Afghanistan au Pakistan, comme elle
avait étendu la guerre du Vietnam au Cambodge. Un désastre en
préparation auquel ne doit absolument pas participer la France qui se
rend complice d’un marché de dupes à l’initiative des US/OTAN.
La guerre de Bush s’étend dangereusement
La décision de rendre public un ordre présidentiel de juillet dernier,
autorisant des frappes américaines à l’intérieur du Pakistan sans
demander l’accord du gouvernement pakistanais, met fin à un long débat
au sein et à la périphérie de l’Administration Bush. Le sénateur Barak
Obama, ayant eu connaissance de ce débat en cours pendant sa longue
bataille contre la sénatrice Hillary Clinton, a essayé de la dépasser
en soutenant une politique de frappes US au Pakistan. Le sénateur John
McCain et la candidate à la vice présidence, Sarah Palin, se sont fait
l’écho de point de vue, et c’est devenu ainsi, par consensus, la
politique officielle des US.
Ses effets sur le Pakistan pourraient
être catastrophiques, créant une crise sérieuse au sein de l’armée et
plus largement dans le pays. La grande majorité des Pakistanais sont
opposés à la présence US dans la région, la considérant comme la menace
la plus sérieuse pour la paix.
Alors pourquoi les US ont –ils décidé de déstabiliser un allié crucial ?
A l’intérieur du Pakistan, certains analystes affirment que c’est une
action soigneusement coordonnée pour affaiblir l’état pakistanais en
créant une crise qui s’étend bien au-delà des zones troublées à la
frontière avec l’Afghanistan. Ils affirment que le but final ce serait
de neutraliser le nucléaire militaire pakistanais. Si tel était le cas,
cela impliquerait que Washington soit effectivement déterminé à briser
l’état pakistanais, car le pays ne pourrait pas survivre à un désastre
d’une telle ampleur.
De mon point de vue cependant, l’expansion de la guerre est beaucoup
plus liée à l’occupation désastreuse de l’Afghanistan par
l’Administration Bush. Ce n’est un secret pour personne que le régime
du Président Hamid Karzai devient encore plus isolé chaque jour qui
passe, car la guérilla des Talibans se rapproche toujours plus de
Kaboul.
Quand on doute, procéder à une
escalade de la guerre est un leitmotiv impérial. Les frappes contre le
Pakistan représentent – comme les décisions du président Nixon et de
son conseiller national à la sécurité, Henri Kissinger, de bombarder
puis d’envahir le Cambodge (des actes qui finalement ont mis au pouvoir
Pol Pot et ses monstres) – une tentative désespérée de sauver la guerre
ce qui n’a jamais été la solution, mais a toujours mal fini.
C’est vrai que ceux qui résistent à
l’occupation de l’OTAN traversent facilement la frontière entre le
Pakistan et l’Afghanistan. Cependant, les US ont souvent engagé des
négociations discrètes avec eux. Plusieurs ballons d’essai ont été
lancés en direction des Talibans au Pakistan tandis que les experts des
services secrets US rencontrent régulièrement le Mullah Fazlullah, un
chef pro Taliban local, au Serena Hotal à Swat, pour discuter de
certaines possibilités. Il se passe la même chose en Afghanistan.
Après l’invasion US de l’Afghanistan
en 2001, tout une partie de la direction du moyen échelon des Talibans
ont traversé la frontière pour se regrouper au Pakistan et planifier la
suite des opérations. Dés 2003, leurs groupes de guérilleros ont
commencé à harasser les forces d’occupation en Afghanistan et pendant
2004, ils ont été rejoints par une nouvelle génération de recrues
locales, bien loin d’être des djihadistes, mais qui se sont radicalisés
à cause de l’occupation.
Bien que dans les médias occidentaux
les Talibans ont été assimilés à Al Qaeda, la plupart de ceux qui les
soutiennent sont en fait motivés par des problèmes locaux. Si l’OTAN et
les US quittaient l’Afghanistan, leur évolution politique se ferait
probablement en parallèle avec celle des islamistes domestiqués du
Pakistan.
Les néo talibans contrôlent maintenant
au moins 20 districts afghans dans les provinces de Kandahar, Helmand,
et Uruzgan. Ce n’est un secret pour personne que de nombreux
fonctionnaires dans ces zones sont clandestinement des supporters des
combattants de la guérilla. Bien que souvent caractérisée comme une jacquerie
rurale, ils ont gagné un soutien significatif dans les villes du Sud et
ils ont même menée une offensive du style de celle de Tet à Kandahar en
2006. Ailleurs, des Mullahs qui avaient initialement soutenu les alliés
du Président Karzai s’insurgent désormais contre les étrangers et le
gouvernement de Kaboul. Pour la première fois, des appels au djihad
contre l’occupation sont même entendues dans les provinces frontalières
du Nord Est de Takhar et du Badakhshan.
Les néo talibans ont dit qu’ils ne
rejoindraient aucun gouvernement tant que « les étrangers » n’auront
pas quitté leur pays, ce qui pose la question des objectifs
stratégiques des US. Sont-ils réellement ce que le secrétaire général
de l’OTAN Jaap de Hoop Sheffer a suggéré devant le public de la
Brookings Institution en début d’année, disant que la guerre en
Afghanistan a peu de chose à voir avec le développement d’une bonne
gouvernance en Afghanistan ou même de détruire ce qui reste d’Al Qaeda
? Cela fait-il partie d’un plan magistral, comme la décrit un
stratégiste de l’OTAN dans la Revue de l’OTAN de l’hiver 2005
d’élargir le rayon d’action de l’OTAN de la zone euro atlantique, car « au XXIème siècle l’OTAN doit devenir une alliance… conçue pour projeter une stabilité systémique au delà de ses frontières. » ?
Comme l’a écrit ensuite ce stratégiste :
«
Le centre de gravité du pouvoir sur cette planète se déplace
inexorablement vers l’Est. En même temps la nature du pouvoir change.
La région Asie Pacifique apporte beaucoup de dynamique et de positif à
ce monde, mais ce changement rapide n’est pas encore ni stable ni
incorporé dans des institutions stables. Tant que cela n’est pas
réalisé, c’est la responsabilité des européens et des nord américains,
et des institutions qu’ils ont construites de montrer la
voie…L’efficacité de la Sécurité dans un tel monde est impossible sans
à la fois la légitimité et la capacité ».
Une telle stratégie implique une présence permanente militaire sur les
frontières à la fois de la Chine et de l’Iran. Etant donné que cela est
inacceptable pour la plupart des Pakistanais et des Afghans, cela ne
fera que créer un état permanent de désordre dans la région, ayant
comme résultat encore plus de violence et de terrorisme, de même qu’un
soutien accru pour les extrémistes djihadistes, qui à leur tour feront
encore plus pression sur un empire déjà étendu outre mesure.
Les mondialistes parlent souvent comme
si l’hégémonie US et l’expansion du capitalisme étaient la même chose.
Cela était certainement le cas pendant la Guerre Froide, mais le double
objectif d’hier ressemble plus maintenant à la relation inverse. D’une
certaine façon, c’est l’expansion du capitalisme qui sape graduellement
l’hégémonie US dans le monde. Le triomphe du Premier Ministre russe
Vladimir Poutine en Georgie a été de ce fait un signal dramatique. La
poussée américaine dans le Grand Moyen Orient ces dernières années,
conçue pour démontrer l a primauté de Washington sur les puissances
d’Eurasie, a plongé dans un chaos remarquable, nécessitant justement le
soutien des puissances qu’elle était supposée dominer.
Le nouveau président pakistanais élu
indirectement, Asif Zardari, époux de Benazir Bhutto assassinée, un
Parrain Pakistanais de premier choix, a fait part de son soutien pour
la stratégie US en invitant Hamid Karzai d’Afghanistan à son
intronisation, le seul dirigeant étranger à le faire. Se jumeler avec
une marionnette discréditée à Kaboul en a peut être impressionné
quelques uns à Washington, mais cela n’a fait que diminuer le soutien
du veuf de Bhutto dans son propre pays.
La clé au Pakistan, comme toujours,
c’est l’armée. Si les raids amplifiés des US à l’intérieur du pays
continuent à croître, l’unité tant vantée du haut commandement
militaire pourrait être sujet à tension. Lors d’une réunion de
commandants de bataillons à Rawalpindi le 12 septembre, le chef d’état
major, Ashfaq Kayani, a reçu un soutien unanime pour sa dénonciation
publique relativement modérée des frappes US à l’intérieur du Pakistan
tout en affirmant que les frontières du pays et sa souveraineté
seraient défendues « à n’importe quel prix ».
Dire que l’armée défendra la
souveraineté est différent de le faire en pratique. C’est là le cœur de
la contradiction. Peut être que les attaques cesseront le 4 novembre.
Peut être que les cochons (avec ou sans rouge à lèvres) voleront. Ce
qui est absolument nécessaire dans la région c’est une stratégie de
retrait des US/OTAN, précédent une solution régionale impliquant le
Pakistan, l’Iran, l’Inde, et la Russie. Ces quatre états pourraient
garantir un gouvernement national et une reconstruction sociale massive
dans ce pays.
Quoiqu’il en soit, les US et l’OTAN ont abominablement échoué.
Tariq Ali 17/09/09 Copyright Tariq Ali
Deuxième partie d’un article intitulé « Has the US Invasion of Pakistan Begun » publié sur Tom Dispatch
Url de l’article intégral en anglais
Titre, Introduction et Traduction Mireille Delamarre pour www.planetenonviolence.org
Tariq
Ali est écrivain journaliste producteur de film et écrit régulièrement
dans des publications telles The Guardian, The Nation, et dans le
London Review of Books.
risque-de-subir-le-meme-sort-que-le-Cambodge-a-l-epoque_a1676.html?PHPSESSID=
f8313975830732786a6b0aa113d527eb