De la Géorgie à l’Iran, le plan
d’une guerre globale
Scénario catastrophe. Nombre de
commentateurs et d’experts militaires, usant de la liberté de la blogosphère,
qualifient la guerre en Géorgie de “diversion stratégique”, en vue d’un conflit
imminent contre l’Iran. Affabulation ou analyse perspicace ? Retour sur les
éléments troublants du drame en train de se jouer.
Sourires affichés, complicité évidente : George
Bush et Vladimir Poutine ont l’air étrangement ravi, en ce vendredi 8 août 2008,
alors que se déroulent les cérémonies d’ouverture des jeux Olympiques, quelques
heures après le début de l’offensive russe en Géorgie. La diplomatie d’apparat
relativise ce jour-là à Pékin la gravité de la situation : l’allié
inconditionnel des Etats-Unis et l’ex-République soviétique, la Géorgie, subit
le retour de bâton de la part de la Russie, à la suite de ses incursions
répressives en Ossétie du Sud, province pro-russe.
Dès lors, la plupart des médias vont déployer la
dramaturgie de “David contre Goliath”, incarnés respectivement par la “faible”
Géorgie et le terrible “ours russe”. La ville géorgienne de Gori offre ainsi le
tragique spectacle de ses morts bombardés par les Russes. Pourtant, le contexte
de ce conflit a priori inopiné mérite d’être élargi, dans le temps comme dans
l’espace.
ACTE 1 : juillet 2008, deux
opérations militaires cruciales pour saisir les enjeux du conflit se
déroulent.
* Operation Immediate Response 2008 :
c’est la qualification insolite qui consacre les entraînements militaires
conjoints entre soldats américains et géorgiens à la base de Vaziani, proche de
la capitale de Tbilissi, entre le 15 et le 30 juillet ;
* Operation Brimstone : il s’agit-là
d’exercices militaires effectués au large de la côte américaine, dans
l’Atlantique Nord, entre des navires de guerre en provenance des Etats-Unis, de
la Grande-Bretagne et de la France, du 21 au 30 juillet.
ACTE 2 : la Chine, alliée de
l’Iran au Conseil de sécurité de l’ONU, prépare avec nervosité et crispation en
ce début du mois d’août l’inauguration des jeux Olympiques. L’Empire du Milieu
est tout entier accaparé par les contorsions diplomatiques sur la liberté
d’expression via internet et la répression des émeutiers ouïghours.
ACTE 3 : le golfe Persique, lieu
hautement stratégique en cas d’attaque contre l’Iran, voit débarquer une armada
navale composée de flottes de navires de guerre américains, britanniques et
français. Il s’agit-là du plus grand rassemblement naval depuis l’entrée en
guerre des coalitions dans la région (1991 et 2003).
ACTE 4 : la Russie intervient le
8 août en Géorgie pour défendre, selon ses termes, la province pro-russe
d’Ossétie du Sud, qui fut l’objet d’une sévère répression par l’armée
géorgienne. Devant ce regain de tension entre les Etats-Unis, protecteur de la
Géorgie, et la Russie, certains n’hésitent pas à suggérer le retour de la guerre
froide en faisant le parallèle avec la crise des missiles à Cuba en 1962.
Résumé : la Chine est occupée par les JO et les
mouvements terroristes ou dissidents ; la Russie s’est engagée militairement
dans une démarche qui compromet son image déjà écornée sur la scène
internationale ; la région du golfe Persique est le théâtre de manœuvres
militaires de grande ampleur, au point que le Koweit et d’autres Etats
limitrophes préparent leurs infrastructures politiques et militaires à un état
de guerre dans la région.
Et l’ACTE 5 à venir ?
L’étincelle de la guerre contre l’Iran : un
blocus maritime entraînant une réaction militaire de Téhéran à l’encontre des
navires de guerre présents dans le golfe Persique.
L’avenir proche permettra de trancher sur la
pertinence de ces recoupements.
Si cela devait s’avérer exact, les historiens
futurs se souviendront du 8 août 2008 comme du premier jour de la Troisième
Guerre mondiale.