INGRID, SEGO et LES AUTRES
La presse encense Ingrid BETANCOURT et sermonne Ségolène ROYAL. Ouf ! Enfin ! Enfin la fin du calvaire d’Ingrid BETANCOURT, la fin de l’attente anxieuse et angoissante de Mélanie et Lorenzo, ses enfants, la fin de la désespérance de tout un peuple, de toute une nation. Le feuilleton Ingrid s’est terminé sans un coup de feu, sans blessés ni morts, sans dommages collatéraux. Ingrid revient à la vie et semble être en pleine forme physique et mentale, de quoi susciter de nombreuses interrogations sur sa captivité et sur les circonstances dans lesquelles se sont déroulés sa libération par l’armée colombienne. Elle n’a pas perdu le sens de l’humour (elle aurait enlaidi la façade de l’Hôtel de ville de Paris !), elle n’a pas perdu sa facilité d’élocution en français, une langue que pendant des années elle n’a plus pratiqué, elle n’a pas perdu de son aisance face aux médias, face aux détenteurs de l’autorité publique. Ouf ! Ingrid est là, bien là en chair et en os. Le champagne a coulé à flots, tout le monde est enfin soulagé car tout un chacun se culpabilisait dès lors qu’il ne voyait aucune issue, aucun bout du tunnel, aucun espoir. Seule Ségolène ROYAL a été d’une inconvenance rarissime. Elle a joué aux trouble-fêtes. Elle n’a pas participé à l’allégresse générale qui s’est emparée des admirateurs et admiratrices de la "revenante", obnubilée plus que jamais par son opposition à celui qui l’a battue à l’élection présidentielle de 2007.
Elle accuse le président Sarkozy de faire de la récupération politique alors que c’est elle qui en fait. Même ses proches amis politiques ont été choqués, déçus. Jack LANG, son propre ami, son propre manager et parrain en 2007 n’a pu s’empêcher de la critiquer sévèrement et d’estimer que la sortie de SEGO était déplacée. Demain, si SEGO était capturée par des FARF (Forces Armées Révolutionnaires Françaises), elle pourrait compter sur la disponibilité de son ex et toujours rival de président. La dame SEGO n’est pas la seule à jouer aux trouble-fêtes. En dehors de l’Hexagone d’abord, à l’intérieur de la « douce France » d’Ingrid ensuite, des voix se sont offusqués d’une éventuelle rançon qui aurait été versée pour obtenir sa libération. Si le paiement d’une rançon était le passage obligé, pourquoi chercher des poux dans la tête des interlocuteurs des ravisseurs ? Ingrid était une captive, une otage de choix et qu’est-ce qu’un otage ? Sinon une « monnaie » d’échange sonnante et trébuchante ? C’est facile de faire la fine bouche, loin des fins fonds de la jungle, dans les salons cossus des donneurs de leçons et professeurs de vertu. J’avoue avoir été indigné lorsque j’ai entendu un journaliste demander à Ingrid si elle confirmait ou démentait pareils ragots. Très digne, mais agacée, Ingrid a commencé par dire « Ouf ! Voilà que ça commence !» avant de démentir. Je présume, loin que je suis de la Colombie que, pour libérer Ingrid, il a fallu acheter des consciences, payer quelques frais induits par un si long séjour. Parlons de « frais de séjour » et cessons d’ergoter.
Les journalistes d’investigation n’ont-ils pas le sentiment que quelque chose n’est pas claire dans cette affaire ? Ce sauvetage ressemble davantage à une énorme opération de communication pour renforcer la popularité du président colombien qui a été critiquée suite à ses interférences multiples et ses intrusions inopportunes dans les négociations avec les Farc qu’il a fait capoté dans le but de mener une vendetta et pourchasser tous les guérilleros du mouvement marxiste. Il n’est pas exclu que l’opération d’infiltration et de localisation des groupes d’otages ait été à l’origine de la libération de quinze otages en captivité dont celle qui faisait la une des journaux. Cette opération aurait été menée conjointement avec certains membres de la guérilla qui aurait été retourné surtout après les offres alléchantes du président Alvaro URIBE qui a appelé à la délation et à la désertion en contrepartie d’une récompense.
Les médias ne cessent de mettre en exergue qu’Ingrid est une binationale, afin de mieux justifier l’action de la France qui aurait eu "raison" de se mobiliser toute entière, avec les comités de soutien dans une cacophonie assourdissante afin qu’elle recouvre la liberté. Et pour les autres otages, l’Elysée prétextera qu’ils ne sont pas binationaux ou Français et que leur sort peu enviable ne relève pas par conséquent de sa compétence, n’en déplaise aux comités de soutien qui font de la surenchère en affirmant qu’ils continueront à se mobiliser pour le reste des otages détenues aux mains des FARC et avec le même engouement qu’ils ont manifesté à Ingrid, l’icône mystique, la madone animé d’une foi inébranlable. Des pans entiers de mystère subsistent dans l’annonce pour le moins inopinée de sa libération. Est-ce effectivement le savoir faire de l’armée colombienne qui est à mettre sur le compte de l’heureux dénouement de la libération d’Ingrid ou tout au contraire la volonté farouche du président URIBE de se réserver à lui seul l’exclusivité tout en mettant au pilori tout le monde qui s’est mobilisé, y compris les médiateurs et le président CHAVEZ?.
Suite aux déclarations de Ségolène ROYAL qui ont suscité une levée de boucliers dans la classe politique Française, le premier ministre François FILLON a relativisé le fait que son domicile ait été mis à sac pour la deuxième fois consécutive, fait qu’on devrait ranger dans la rubrique des faits divers a-t-il répété cyniquement et qui atteste que lui aussi fait preuve d’inélégance politique et diplomatique. Il est clair que Sarkozy, allergique à la liberté d’expression a drôlement écorné les règles du jeu démocratique et que Mme ROYAL se plaigne à raison que le saccage de son domicile et ses prises de position sont manifestement indissociables. Le même François FILLON qui a d’ailleurs confirmé le non-remplacement de plusieurs fonctionnaires dans l’édudation nationale a provoqué la grogne des organisations syndicales. Le premier ministre Français est un modèle représentatif de l’austérité, pénalisant sévèrement et le pouvoir d’achat qui ne cesse de se dégrader et le Français moyen en fixant à "au moins 30.000" le nombre de fonctionnaires non remplacés en 2009. A ce sujet, Mme ROYAL avait dénoncé" la mainmise du clan SARKOZY sur toute la France, une mainmise qui relativise le droit de grève, une mainmise qui fustige les grèves et qui trucide même les organisations syndicales.
Ingrid, lorsqu’elle a été arrêtée en Colombie, c’est en sa qualité de colombienne de candidate à l’élection présidentielle de Colombie. Cela n’a pas empêché la France, « (sa) douce France » de mener le combat pour son retour à la liberté.
Ingrid BETANCOURT est désormais chevalier de l’ordre français de la légion d’honneur. Elle a bien mérité cette distinction, elle qui s’est distinguée à tous points de vue. Et la pression médiatique aura été plus forte pour Ingrid BETANCOURT, la Jeanne d’Arc ressuscitée que ne l’a été pour Florence AUBENAS.
Souleiman
Le 9 Juillet 2008